Crétinisation versus « apprendre à vivre » : comment former, à l’école et ailleurs, à l’essentiel ?

— Ecrit le jeudi 14 mai 2009 dans la rubriqueHistoire, Rencontres”.

Une interview opportune et urgente d’Edgar Morin sur la « crise » de la « formation » des personnes, des personnalités, des citoyens _ = « crise de l’éducation » _, afin qu’ils soient _ = nous soyons ! _ de « vrais humains » (se dépassant eux-mêmes, en permanence), au lieu de n’être que de la « ressource » disponible (sur un marché : concurrentiel) en « moyens«  (pour « services » de « ressources humaines » en mal d' »efficacité » à court terme _ en attendant « la chute« …),

dans Le Monde du 13 mai 2009 :

« Edgar Morin : « On devrait instaurer une année propédeutique de culture générale obligatoire »…« 

Opposé au cloisonnement des savoirs, le sociologue et philosophe Edgar Morin, qui a élaboré la théorie de la « pensée complexe« , défend ici l’idée d’une culture qui relie _ du latin « religare« , et en français « relier«  _ nos connaissances éparses.

Qu’est-ce que la culture générale et à quoi sert-elle ?

C’est ce qui, à partir des écrits, des arts, de la pensée, aide à s’orienter dans la vie et à affronter les problèmes de sa propre vie. La lecture de Montaigne, La Bruyère, Pascal, Diderot ou Rousseau nourrit notre esprit pour nous aider à résoudre nos problèmes de vie.

Autrement dit, c’est vital.

Non seulement on ne peut pas s’en passer, mais il faut la régénérer _ en ce moment se tient aussi, à Grenoble, à l’initiative de « la république des idées« , un colloque sur la question de « rénover la démocratie«  _, parce qu’elle est elle-même victime du mal principal qui frappe les connaissances, c’est-à-dire la compartimentation et la fermeture. Si, comme on l’a toujours fait _ enfin, presque… _, on veut réfléchir sur l’être humain, la nature, la réalité et l’univers, on a besoin d’incorporer les acquis qui viennent des sciences. Je crois qu’il faut régénérer _ est-ce plus précis et plus juste que « rénover » ?.. probablement… _ la culture générale parce que chacun a besoin, pour savoir ce qu’il est en tant qu’être humain, de se référer à sa situation dans le monde.

Comment la régénérer ?

J’ai fait des propositions pour des réformes de l’enseignement radicales _ prises à la racine. L’enseignement fournit _ entre « fourguer » et « gaver«  _ des connaissances séparées, cloisonnées et dispersées, qui deviennent affaire d’experts fonctionnant sur des problèmes particuliers, mais incapables de voir les problèmes fondamentaux et capitaux.

Dans « Les Sept Savoirs nécessaires à l’éducation du futur » (Seuil, 2000), je donne des thèmes _ ou pistes ? _ de réflexion. Par exemple : qu’est-ce que l’être humain ? Cela n’est enseigné nulle part _ la question « Qu’est-ce l’homme ? » est la principale de tout enseignement-questionnement philosophique, tout de même, selon Kant !.. _, car tout ce qui concerne l’être humain est dispersé. Pas seulement dans la biologie ou les sciences humaines et la philosophie _ !!! _, mais aussi dans la poésie et la littérature, qui sont des sources de connaissance de l’humain, mais sont considérées _ par certains, beaucoup, trop… _ comme des luxes _ ou « suppléments d’âme«  _ esthétiques, et non pas des sources de connaissances.

Une sorte de méta-savoir ?

Plutôt une façon de faire communiquer _ activement, en les dynamisant _ les savoirs et de les rendre nourriciers _ voilà ! et à foison… _ pour l’esprit de chacun. De plus, la culture ne peut pas se réduire aux savoirs transmis par le langage _ articulé, en la langue. La musique, par exemple, nous transmet des messages affectifs que nous traduisons très mal en mots. Mais il y a une pensée derrière la musique. Il y a une pensée derrière les œuvres de Beethoven. Il y a aussi une pensée derrière Rembrandt et Michel-Ange _ voir la (scandaleuse !) misère de l’initiation artistique au lycée (et au collège). Quant à la poésie, elle emploie les mots non pas dans un sens de dénotation instrumentale, mais dans un sens d’évocation que le langage dénotatif ne peut pas dire _ ou la palette ouverte d’un style. La culture inclut tous les arts _ et comment !!!

La pensée complexe, qui est au cœur de votre travail, n’est-elle pas l’illustration de cette culture qui relie les savoirs ?

On nous enseigne l’analyse et la séparation. Très bien ; mais on ne nous enseigne ni la synthèse ni la liaison. J’ai voulu montrer quelles sont les méthodes _ cf le très important « La Méthode«  _ qui permettent de relier. Dans « L’Homme et la mort » (Seuil, 1951), j’ai fait appel à l’ethnographie, à la préhistoire, aux sciences religieuses, à la poésie, à la littérature… Mon problème était de ne pas juxtaposer ni empiler ces connaissances, mais de les relier en leur donnant un sens.

Tout le contraire des disciplines scolaires bien séparées.

Les savoirs fermés et séparés doivent être ouverts et reliés. On devrait instaurer une année propédeutique de culture générale obligatoire pour tous, en fin de lycée ou en première année de fac. Et puis, il faudrait former ou réformer les formateurs. Je l’ai appliqué ces dernières années au Mexique, au Brésil et au Pérou, où j’ai fourni les éléments des « sept savoirs capitaux » à développer. Je leur enseigne ce qu’est la rationalité, la complexité. J’introduis les problèmes de notre civilisation ignorés dans les cours d’économie ou de sociologie. Par exemple, sur la fabrication des médias, le consumérisme des classes moyennes, l’intoxication publicitaire ou automobile. Ça fait partie de la culture générale. Dans « Emile ou de l’Education« , quand Jean-Jacques Rousseau demande à l’éducateur ce qu’il veut faire, celui-ci répond : « Je veux lui apprendre à vivre. »

D’où l’importance aussi de « La Princesse de Clèves » ?

Je fais des critiques politiques au président Sarkozy, mais je ne l’attaquerai pas sur le plan de la culture. Je ne le critique pas de ne pas connaître « La Princesse de Clèves« . Je le critique s’il propose de nous en détourner.

N’est-il pas contradictoire de dire que nous sommes dans une société de la connaissance tout en tournant le dos à la culture ?

On n’est pas dans une société de la connaissance. On est dans une société des connaissances séparées _ et pratiquées instrumentalement pour une utilité technicienne à courte vue. Le vrai problème, c’est qu’il faut tout réformer. Mais on ne fait que des « réformettes » ; le secondaire occulte le principal ; et l’urgence occulte l’essentiel ; alors que l’essentiel est devenu urgent _ formules capitales ! assassinées par la pseudo-« culture«  de l’évaluation comptable (dite « du résultat » ; cf mon article du 28 avril : « de quelques symptômes de maux postmodernes : 2) “l’inculture du résultat”, selon Michel Feher « ) : c’est si commode…

Si la culture relie les savoirs, ne s’en prend-on pas aux savoirs en jugeant la culture superflue ?

On relègue les savoirs dans les mains de spécialistes ; et on dépossède tous les autres. Par ailleurs, on est complètement ignorant sur les qualités vitales de la culture générale.

Ne croire qu’en des spécialités, c’est ne croire qu’en une vision de l’être humain borné et incapable de se poser des problèmes _ clé de l’intelligence (ouverte et ouvrante) du réel (en sa complexité). C’est du crétinisme. De plus, c’est une illusion ; car, aujourd’hui, dans certaines entreprises, au lieu de recruter des polytechniciens, on recrute _ de fait : on ne peut plus « réalistement« , comme ils pensent… _ des normaliens. On cherche des gens ayant des aptitudes « tous terrains » plutôt qu’une aptitude limitée _ obtuse _ à un seul terrain. Il est démontré que le développement des aptitudes de l’esprit humain à traiter des problèmes généraux leur facilite le traitement _ inventif, créatif, « avec génie« _ des problèmes particuliers.

Propos recueillis par Ma. D.

Article paru dans l’édition du 13.05.09

Mais qui veut vraiment cela

parmi ceux qui « occupent«  les manettes ? En lieu et place de fructueusement (pour eux !) « faire affaire«  avec ceux qui « vendent du temps de cerveau humain disponible » ?..

Titus Curiosus, ce 14 mai 2009

Commentaires récents

Le 23 mai 2009

[…] Cf ici mon récent article du 14 mai : “Crétinisation versus “apprendre à vivre” : comment former, à l’école et ailleurs, à l’e…“… […]

Posté par Cédric MICHEL
Le 25 mai 2009

Ou là… il y en a des choses à dire…

Effectivement, cela m’intéresse, je vais vous laisser mon point de vue, mais attention, peut être que je risque en choquer certains.

Ceci étant, une éducation globale, pluridisciplinaire, sur un thème est peut être une bonne idée.

Mais, je me pose une question : les élèves sont censés faire le lien entre les matières sur un thème, commun, dans leur tête les neurones doivent se connecter pour comprendre et fabriquer des plateformes. Si cela ne se fait pas, c’est qu’il y a un problème : non pas forcément de l’éducation mais plus global : de l’intéressement à l’apprentissage et à la connaissance. La différence entre apprendre – aimer et comprendre – et ingurgiter des connaissances pour la semaine suivante ou l’examen…

Alors inventer un système pluridisciplinaire pour faire comprendre aux élèves, qu’un sujet, un thème n’est pas isolé dans une matière, mais peut trouver des explications, des causes ou conséquences dans un autre domaine, pourquoi pas. Mais, cet enseignement remplacera-t-il les neurones qui doivent eux-mêmes se connecter pour aimer apprendre ? Non… peut-être, cela dépend…

D’où vient le mal ? Ce mal si mauvais de la crétinisation, ou peut-être plus généralement, d’un manque d’ouverture de l’esprit vers la connaissance, l’apprentissage, l’esprit critique.

Je ne suis vraiment pas certain que la faute incombe à l’école, au système éducatif, et par conséquent, l’idée d’un apprentissage plus global, pluridisciplinaire, n’est pas pour moi « la » solution, ni une solution, mais plutôt un moyen et peut être un bon moyen alternatif tendant à limiter cette crétinisation, encore convient-il de définir cette crétinisation.

Pour bien cerner ce concept, tel que je l’appréhende, je pense à mes grands parents. Mes grands parents, qui disent ne pas avoir été à l’école, mais pourtant jusqu’au certificat d’étude et ensuite direction le travail. Et bien je pense, et j’en suis même parfaitement convaincu, qu’ils étaient bien plus intelligents que peuvent l’être la moyenne d’aujourd’hui. L’intelligence au sens de la compréhension de la vie, c’est-à-dire de l’environnement auquel on appartient, les solutions face aux problèmes mais aussi sur le plan de l’instruction. C’était aussi l’ère de la simplicité.

Bien sûr, nous ne remonterons pas au siècle dernier, mais j’ai l’impression, que depuis l’avènement des trente glorieuses, où de l’après-guerre, cette nouvelle ère, l’ère d’où l’on vient de nulle part, et l’on accède progressivement à tout, le conforme moderne, la télévision et l’avènement du tout communication mondial, Internet, que le boum de la progression technologique, scientifique et mondial coïncidait avec une forme de régression psychologique. Comme si, quelque part, progression pouvait être synonyme de régression.

Entendu, que le commun des mortels, à la lecture de mes propos, va me renvoyer la progression de la médecine, l’espérance de vie, l’automobile, le confort, le micro-onde et le fameux internet. Tiens intermède sur Internet : on parle au petit chinois au bout du monde, et l’on ne parle souvent pas à son propre voisin.

La crétinisation va croissante, proportionnellement à une forme soi-disant de progression de l’humanité. L’interview de Morin est intéressante. Le mot « gavage » est juste. La clé est là. L’on gave.

La crétinisation est en fait synonyme de gavage, depuis 50 ans. Petit à petit, progressivement, l’on a dit adieu, à l’éducation, à l’instruction, aux valeurs simples, mais aussi l’esprit critique. Et l’on gave tout et tout le monde de tout et n’importe quoi. Alors, pour ce qui ont la chance d’avoir un gros cerveau cela va bien, ils peuvent encore absorber encore quelques données, les analyser, les confronter, et interjeté sur un mouvement d’humeur un non. Le non, de la contestation, mais le non de la réflexion, celui de Alain.

Cela va de la pub à la chanson, de la voiture à la lessive, et l’école s’y est mis. La mode est au gavage des foules. Tout savoir, pour ne rien savoir.

Même l’esprit critique en prend un coup derrière la nuque, laissant place à un discours consensuel mou, où le non n’est pas de non augure.

Telle est la crétinisation. Ce n’est pas l’école qui est la source de la crétinisation, c’est un moyen.

Quand je dis tout savoir, pour ne rien savoir, ce n’est pas que les enfants, les élèves, les étudiants en savent plus, demandez-leur ce qu’ils ont appris l’an passé, il s’en souviendront comme de leur dernière chemise, mais c’est qu’on leur fait ingurgiter une manne d’informations, en vue de l’examen, que leur cerveau gobera, inutilement pour le moment venu, l’examen, à l’image de cette société, de consommation également mais pas seulement.

Une forme de superficialité. Comme si le savoir était une monnaie, le prix de l’examen et une fois acheté, la monnaie est perdue. Ce savoir, ingurgité est enregistré, mais certainement pas retenu, car ni analysé, ni réellement compris, confronté.

J’ai envie de dire d’une manière assez simple, ou même simpliste : il vaut mieux, moins savoir, mais mieux le savoir.

Et la situation tend à s’empirer, comme si l’on tendait à avoir une société « d’en bas » parfaitement bien dans son moule, dans son rôle. Même la contestation n’est plus originale, la contestation est dans son rôle. Une société « d’en bas » et une société avec quelques uns, qui ont la chance, peut être, d’accéder à une autre vie, matérielle… ou intellectuelle.

Dans le cinéma, la trilogie « Matrix » est une magnifique parabole à ce sujet. L’humanité croit vivre dans une société, telle que la nôtre, mais ils sont en fait enfermés dans un monde commandé par des machines. Leur société, enfin la nôtre, n’est qu’une projection d’images dans leur cerveau.

Bien entendu, il reste et restera des intellectuels, mais qui seront-ils ? du commun des mortels qui connaissait par le passé, Balzac, qui le connaît aujourd’hui ? Je suis sérieux. Demandez à vos élèves. Je parle de connaître, vraiment, lui ou un autre.

Et tout est comme çà. Aucune culture, aucun esprit critique. Bien sûr, pas tous, mais demain ?

Celui qui réfléchira, au sens riche du terme, figurera-t-il d’illuminé ? Ne le cataloguerons-nous pas au ban de la ringardise, ou pis de l’élément perturbateur qui empêche le mouvement, la progression de l’humanité, j’ai envie de dire, du « nouvel ordre mondial ». Ce nouvel ordre mondial, lisse, où tout le monde est pareil et pense à peu près la même chose, une forme de déresponsabilisation personnelle, comme la brebis et son berger.

Où là ! Je me laisse aller dans le mal-pensant !

Le système éducatif, peut-il être l’alternative, ou plutôt un moyen, au travers d’autres remèdes, pour conduire l’élève vers l’envie de connaître, de savoir, de comprendre, d’être un homme responsable dans une société responsable ?

Oui, je le pense. Comme je pense, que oui, une forme d’instruction plus « globale » pourrait inciter l’élève à avoir un esprit critique. Car au fond, je pense que tout vient de là : L’esprit critique.

Je suis fermement persuadé, que l’esprit critique amène à l’envie de comprendre et donc d’appendre.

Mais pas seulement.

Il faut avoir aussi avoir des outils pour bien comprendre.

Et je pense, que l’un des principaux outils qu’il faut dérouiller, c’est la lecture, l’écriture, le vocabulaire.

L’on sait, qu’une importante partie des élèves entre au collègue quasiment illettré, alors que l’on sait que la maîtrise du langage est le garant d’une bonne compréhension, d’une bonne réflexion, d’un esprit structuré.

Je suis convaincu, que l’école primaire doit s’orienter d’une manière très urgente, vers l’apprentissage du français, lu et écrit, et compris, et ce d’une manière approfondie, aux côtés, également de la transmission d’autres valeurs humaines, sociales et sociétales.

Alors, mon analyse est peut-être bien noire, il y a toujours des élèves éveillés, vifs, intelligents, mais pour ma part, je pense que j’ai eu la chance, d’avoir de bons parents, de bons grands parents, de bons maîtres, mais aussi toutes les petites choses de la vie qui font qu’à un moment donné… j’ai réfléchi.

Mais ce sont des chances, et il faudrait que cela soit la norme et je pense que ce n’est plus le cas.

Posté par Cédric MICHEL
Le 26 mai 2009

——————– COMMENTAIRE RECTIFIE (je n’avais pas relu avant de poster) ——————

Effectivement, cela m’intéresse, je vais vous laisser mon point de vue, mais attention, peut être que je risque en choquer certains.
Ceci étant, une éducation globale, pluridisciplinaire, sur un thème est peut être une bonne idée.
Mais, je me pose une question : les élèves sont censés faire le lien entre les matières sur un thème, commun, dans leur tête les neurones doivent se connecter pour comprendre et fabriquer des plateformes. Si cela ne se fait pas, c’est qu’il y a un problème : non pas forcément de l’éducation mais plus global : de l’intéressement à l’apprentissage et à la connaissance. La différence entre apprendre – aimer et comprendre – et ingurgiter des connaissances pour la semaine suivante ou l’examen…
Alors inventer un système pluridisciplinaire pour faire comprendre aux élèves, qu’un sujet, un thème n’est pas isolé dans une matière, mais peut trouver des explications, des causes ou conséquences dans un autre domaine, pourquoi pas. Mais, cet enseignement remplacera-t-il les neurones qui doivent eux-mêmes se connecter pour aimer apprendre ? Non… peut-être, cela dépend…
D’où vient le mal ? Ce mal si mauvais de la crétinisation, ou peut-être plus généralement, d’un manque d’ouverture de l’esprit vers la connaissance, l’apprentissage, l’esprit critique.
Je ne suis vraiment pas certain que la faute incombe à l’école, au système éducatif, et par conséquent, l’idée d’un apprentissage plus global, pluridisciplinaire, n’est pas pour moi « la » solution, ni une solution, mais plutôt un moyen et peut être un bon moyen alternatif tendant à limiter cette crétinisation, encore convient-il de définir cette crétinisation.
Pour bien cerner ce concept, tel que je l’appréhende, je pense à mes grands parents. Mes grands parents, qui disent ne pas avoir été à l’école, mais pourtant jusqu’au certificat d’étude et ensuite direction le travail. Et bien je pense, et j’en suis même parfaitement convaincu, qu’ils étaient bien plus intelligents que peut l’être la moyenne d’aujourd’hui. L’intelligence au sens de la compréhension de la vie, c’est-à-dire de l’environnement auquel on appartient, les solutions face aux problèmes mais aussi sur le plan de l’instruction. C’était aussi l’ère de la simplicité.
Bien sûr, nous ne remonterons pas au siècle dernier, mais j’ai l’impression, que depuis l’avènement des trentes glorieuses, où de l’après-guerre, cette nouvelle ère, l’ère d’où l’on vient de nulle part, et l’on accède progressivement à tout, le conforme moderne, la télévision et l’avènement du tout communication mondial, Internet, que le boum de la progression technologique, scientifique et mondial coïncidait avec une forme de régression psychologique. Comme si, quelque part, progression pouvait être synonyme de régression.
Entendu, que le commun des mortels, à la lecture de mes propos, va me renvoyer la progression de la médecine, l’espérance de vie, l’automobile, le confort, le micro-onde et le fameux internet. Tiens intermède sur Internet : on parle au petit chinois au bout du monde, et l’on ne parle souvent pas à son propre voisin.
La crétinisation va croissante, proportionnellement à une forme soi-disant de progression de l’humanité. L’interview de Morin est intéressante. Le mot « gavage » est juste. La clé est là. L’on gave.
La crétinisation est en fait synonyme de gavage, depuis 50 ans. Petit à petit, progressivement, l’on a dit adieu, à l’éducation, à l’instruction, aux valeurs simples, mais aussi à l’esprit critique. Et l’on gave tout et tout le monde de tout et de n’importe quoi. Alors, pour ce qui ont la chance d’avoir un gros cerveau cela va bien, ils peuvent encore absorber quelques données, les analyser, les confronter, et interjeter sur un mouvement d’humeur un non. Le non, non pas de la contestation débile, mais le non de la réflexion, celui de Alain.
Cela va de la pub à la chanson, de la voiture à la lessive, et l’école s’y est mise. La mode est au gavage des foules. Tout savoir, pour ne rien savoir.
Même l’esprit critique en prend un coup derrière la nuque, laissant place à un discours consensuel mou, où le non n’est pas de bon augure.
Telle est la crétinisation. Ce n’est pas l’école qui est la source de la crétinisation, c’est un moyen.
Quand je dis tout savoir, pour ne rien savoir, ce n’est pas que les enfants, les élèves, les étudiants en savent plus, demandez-leur ce qu’ils ont appris l’an passé, il s’en souviendront comme de leur première chemise, mais c’est qu’on leur fait ingurgiter une manne d’informations, en vue de l’examen, que leur cerveau gobera, inutilement pour le moment venu, l’examen, à l’image de cette société, de consommation également mais pas seulement.
Une forme de superficialité. Comme si ce savoir était une monnaie, le prix de l’examen et une fois acheté, la monnaie est perdue. Ce savoir, ingurgité est enregistré, mais certainement pas retenu, car ni analysé, ni réellement compris, confronté.
J’ai envie de dire d’une manière assez simple, ou même simpliste : il vaut mieux, moins savoir, mais mieux le savoir.
Et la situation tend à s’empirer, comme si l’on tendait à avoir une société « d’en bas » parfaitement bien dans son moule, dans son rôle. Même la contestation n’est plus originale, la contestation est dans son rôle. Une société « d’en bas » et une société avec quelques uns, qui ont la chance, peut être, d’accéder à une autre vie, matérielle… ou intellectuelle.
Dans le cinéma, la trilogie « Matrix » est une magnifique parabole à ce sujet. L’humanité croit vivre dans une société, telle que la nôtre, mais les Hommes sont en fait enfermés dans un monde commandé par des machines. Leur société, enfin la nôtre, n’est qu’une projection d’images dans leur cerveau.
Bien entendu, il reste et restera des intellectuels, mais qui seront-ils ? du commun des mortels qui connaissait par le passé, Balzac, qui le connaît aujourd’hui ? Je suis sérieux. Demandez à vos élèves. Je parle de connaître, vraiment, lui ou un autre.
Et tout est comme çà. Aucune culture, aucun esprit critique. Bien sûr, pas tous, mais demain ?
Celui qui réfléchira, au sens riche du terme, figurera-t-il d’illuminé ? Ne le cataloguerons-nous pas au ban de la ringardise, ou pis de l’élément perturbateur qui empêche le mouvement, la progression de l’humanité, j’ai envie de dire, du « nouvel ordre mondial ». Ce nouvel ordre mondial, lisse, où tout le monde est pareil et pense à peu près la même chose, une forme de déresponsabilisation personnelle, comme la brebis et son berger.
Où là ! Je me laisse aller dans le mal-pensant !
Le système éducatif, peut-il être l’alternative, ou plutôt un moyen, au travers d’autres remèdes, pour conduire l’élève vers l’envie de connaître, de savoir, de comprendre, d’être un homme responsable dans une société responsable ?
Oui, je le pense. Comme je pense, que oui, une forme d’instruction plus « globale » pourrait inciter l’élève à avoir un esprit critique. Car au fond, je pense que tout vient de là : L’esprit critique.
Je suis fermement persuadé, que l’esprit critique amène à l’envie de comprendre et donc d’appendre.
Mais pas seulement.
Il faut avoir aussi avoir des outils pour bien comprendre.
Et je pense, que l’un des principaux outils qu’il faut dérouiller, c’est la lecture, l’écriture, le vocabulaire.
L’on sait, qu’une importante partie des élèves entre au collège quasiment illettrée, alors que l’on sait que la maîtrise du langage est le garant d’une bonne compréhension, d’une bonne réflexion, d’un esprit structuré.
Je suis convaincu, que l’école primaire doit s’orienter d’une manière très urgente, vers l’apprentissage du français, lu et écrit, mais aussi compris, et ce d’une manière approfondie, aux côtés, également de la transmission d’autres valeurs humaines, sociales et sociétales.
Alors, mon analyse est peut-être bien noire, il y a toujours des élèves éveillés, vifs, intelligents, mais pour ma part, je pense que j’ai eu la chance, d’avoir de bons parents, de bons grands parents, de bons maîtres, mais aussi toutes les petites choses de la vie qui font qu’à un moment donné… j’ai réfléchi et peut-être et certainement pas encore assez.
Mais ce sont des chances, et il faudrait que cela soit la norme et j’ai la conviction que ce n’est plus le cas.

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