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Villemain, une affaire

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Une actualité de David V.
Publié le 17/08/2013

Marc VillemainDepuis l'excellent recueil de Bernard Quiriny, nous étions en chasse d'un livre de nouvelles à même de nous réconforter. Le succès aidant sans doute, le Seuil a dû se montrer moins réticent à donner sa chance à Marc Villemain qui, lui aussi dans le "cadre rouge", nous offre en ce début d'année deux cents pages tendues et audacieuses en onze nouvelles  de taille inégale. Placées sous le patronage un peu étouffant de Barbey d'Aurevilly et Léon Bloy, elles défilent en un carrousel endiablé pour nous exposer onze personnages dont les aventures n'invitent guère à l'optimisme, ce sentiment lénifiant tellement peu compatible avec le talent littéraire. Et du talent Marc Villemain n'en manque pas, d'autant que son imagination acide est secondée par un style impeccable, hérité de ces auteurs fin de siècle dont il est le digne héritier. Pour mêler deux auteurs dont il est l'écho lointain on pourrait sous-titrer son volume "Les morts désobligeantes" car on y meurt beaucoup comme nous le laissait supposer le titre Et que morts s'ensuivent. Rarement des morts exemplaires et splendides, plutôt des disparitions cruelles ou annoncées dont l'exemplarité ne sera pas certaine mais le goût, très relevé, délicieux. Chaque nouvelle porte comme titre le nom du protagoniste même si toutes pourraient s'appeler Géraldine Bouvier, obsédant patronyme qui revient de page en page, présence insistante d'un personnage qui se métamorphose sans jamais ou presque parvenir à devenir l'héroïne (procédé qui n'est pas sans nous rappeler celui de Quiriny avec son Pierre Gould, quoique ici sans doute avec moins de pertinence car Géraldine est plus un nom plaqué sur des formes différentes qu'un fil conducteur, c'est en tout cas le signal que dans ces histoires les noms sont interchangeables, que le jeu patronymique est une convention qu'il convient de malmener). Mais être un héros avec Marc Villemain n'est pas une sinécure : Nicole Lambert manie la fourchette avec une dextérité dangereuse pour ses amies, Anémone Piétra-d'Eysinnet à force d'être acide dans ses critiques littéraires goûte aux joies sulfuriques, Liza Cornwell ne profite pas longtemps des ivresses du syndrôme de Stockholm, Jean-Claude Le Guennec découvre les vertus de la justice juvénile, Edmond de la Brise d'Aussac suscite la renaissance éphémère d'une jacquerie de paysans, Jérôme Allard-Ogrovski nous confirme que la lecture de Monsieur Teste peut être fatale, etc... Cruel comme un Barbey, élégant comme un d'Aurevilly, Villemain ne fait pas dans le Grand Guignol ni dans le spectaculaire, il contient la rage qui anime sa plume sans cette compassion morbide dont toute une partie de la profession littéraire nous accable, sans cette gentille cruauté qui ne nous fait même plus sourire. Il y aurait beaucoup à dire sur ses nouvelles qu'un rapide coup d'oeil comme celui-ci trahit. retenons surtout que Et que les morts s'ensuivent signe avec éclat l'arrivée dans le genre de la nouvelle d'un nouveau cador.

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