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Temps noirs

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Une actualité de Fleur Cattiaux
Publié le 16/03/2016

Martin SolaresBienvenidos a Paracuan ! Dans cette petite ville portuaire du Nord du Mexique dont l'existence n'est réelle que dans Les minutes noires de Martin Solares, publié aux Editions Bourgois, les affaires se corsent et tout le monde se met en alerte quand parvient la nouvelle de la mort d'un jeune journaliste fraîchement revenu du pays des gringos. Le détective qui hérite bien malgré lui de l'enquête, un certain Ramon Cabrera, plus connu sous le nom du Grizzli, semble se heurter à la mauvaise volonté de ses collègues. De toute évidence, il y a pas mal d'intérêts en jeu. Les choses s'éclaircissent soudainement quand on apprend ce sur quoi travaillait le journaliste juste avant d'être assassiné, à savoir une série de meurtres de fillettes perpétrés à la fin des années 1970 par celui que l'on surnommait dans la presse "le Chacal". Ainsi, il apparaît assez rapidement qu'en dépit des trente ans qui les séparent, les deux affaires sont intimement liées, et que la résolution de l'une aiderait à percer à jour le mystère qui plane sur l'autre.

Si le village de Paracuan lui-même1, ainsi que les deux affaires criminelles sont fictives, ce qui est décrit dans Les minutes noires reste néanmoins très représentatif d'un certain visage du Mexique. Sont ainsi mêlés des ingrédients bien connus en ce qui concerne ce pays. La corruption et l'affairisme tiennent indéniablement le rôle principal, mais on est avant tout frappé par ce que que les alliances peuvent avoir d'éphémère - "C'est comme ça que tout commence, se dit-il : un jour, le gouverneur t'appelle et l'affaire est réglée. Dehors, sale chien, et encore merci pour tout." Dans un univers où la malhonnêteté règne en maître, on se rend compte à quel point tout le monde est forcément plus ou moins pourri : même les meilleurs finissent par ne plus très bien savoir où se trouve la limite entre les pratiques douteuses et le reste... On retrouve par ailleurs d'autres éléments familiers, tels que le rôle déterminant de la presse, l'omniprésence des Etats-Unis, l'opposition entre le pouvoir central et les différents Etats, l'affaiblissement du clergé, ici réduit à un père jésuite allemand qui a sombré dans l'alcoolisme2.

En dépit d'un casting ambitieux dans lequel figurent notamment trois personnages qui font partie de l'Histoire - le chanteur Rigo Tovar, l'écrivain B. Traven et le détective Quiroz Cuaron - et d'une structure narrative un peu compliquée qui auront d'ailleurs valu aux chroniqueurs du Monde de confondre les deux enquêteurs principaux3, on retiendra l'efficacité d'un roman qui se caractérise sans conteste par son ambition. Ajoutez à cela une dose parfaite d'humour et de phrases coup de poing, et vous obtenez un livre qui ne vous laissera pas en paix tant que vous ne l'aurez pas terminé4 !...


1 L'auteur avoue s'être inspiré de sa ville natale, Tampico, dans l'Etat de Tamaulipas, pour imaginer le village de Paracuan.
2 On reconnaîtra derrière le père Fritz Tschanz l'ombre du whiskey priest de Graham Greene dont la fuite est mise en scène dans l'illustre roman intitulé La puissance et la gloire.
3 Il s'agit d'un article publié le 13 mars dernier.
4 Pour aller plus loin, rendez-vous sur notre site internet afin d'écouter l'interview de Martin Solares.
F.A.

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