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Ravey, assassin !

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Une actualité de David V.
Publié le 21/09/2013

Yves RaveyNous aimons Ravey, n'allez pas croire qu'il ait ravagé par sa gentillesse et son accent de Besançon les coeurs de nos libraires que n'obsède que la littérature et seulement la littérature. Non. Nous aimons Ravey - et plus encore de l'avoir croisé dans notre librairie où sa douceur nous persuaderait que le talent n'a rien à voir avec la morgue - et nous nous réjouissons chaque fois de passer un moment avec ses histoires probables et maîtrisées et de nous rendre compte qu'il réussit à nous surprendre à tout coup. La surprise supplémentaire, cette fois-ci,  est cette deuxième parution dans l'année, quelques mois après Cutter dont il était venu nous parler, avec Enlèvement avec rançon (éditions de Minuit) qui mériterait qu'il cesse enfin d'être l'auteur d'une poignée d'inconditionnels pour gagner un large public (et un prix littéraire, tiens, qui sait, ce serait justice et riche idée pour les jurys). Déroutée, la critique va évoquer le roman noir à la française ou piocher dans les réminiscences hitchcockiennes pour tenter de cerner ce projet où l'épure rejoint le crime dans un ensemble qui ne faiblit jamais, comme une corde tendue qui nous ferait traverser le vide jusqu'au final. Car s'il y a bien un adverbe qu'on n'osera jamais pour les oeuvres d'Yves Ravey c'est bien "trop" : chez lui rien ne dépasse, rien ne flotte, pas de détour pour noircir une page que son écriture serrée se charge seule d'assombrir, pas de fausses manoeuvres ou d'illusoires pièges comme les thrillers en regorgent jusqu'à la nausée. Seulement ce fil promené sur la route et ces personnages qui le longent dans une ambiance qui joue sur le contraste : blanc de la neige et noir de l'intrigue. Jerry et Max, les deux protagonistes, ont des noms de comique ou presque, en tout cas pas des patronymes de gangsters, on hésite à les prendre au sérieux, on se demande même s'ils vont aller au bout de leur résolution criminelle et de leur projet d'enlèvement. Ils sont frères mais ne se tombent pas dans les bras malgré une séparation de vingt ans, malgré des promesses anciennes, malgré un but ignoble qui les réunit enfin, un mauvais coup qui devrait enrichir le premier et venger le second (et l'enrichir aussi). Samantha Pourcelot (non mais, quel nom!), la fille du patron (Salomon, on nage dans le biblique) de Max qui s'est refusée aux bras tristes de ce comptable habitué à tripatouiller les comptes de Pourcelot & co,  en fera les frais et au main des frères Capucin (quelle trouvaille!) elle va vite éprouver ce que ressentent les otages : crainte, colère, empathie et un peu plus si affinités. Le charme de Ravey, son philtre romanesque, est pour beaucoup fait d'invisible. Il ne dit pas tout et nous laisse le soin, parce qu'il sait que nous avons tous en tête des films, des romans, des nouvelles, des faits divers, d'organiser le décor, d'y planter ses héros dont on sait si peu et qui deviennent de fait nôtres. Cette fois-ci, à la mécanique littéraire s'est adjointe une mécanique criminelle imparable qui nous fait hésiter jusqu'au bout sur les intentions des uns et des autres. Deux heures de ravissement et le roman d'Yves Ravey est fini, Max et Jerry rangent leurs armes, la morale en a pris un petit coup mais elle en a vu d'autres. Et nous, les "ravis de Ravey", comme nous nous surnommons ici, attendons le prochain, avec l'espoir que le forfait sera aussi réussi que le précédent.

 

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