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Nouvelles du front

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Une actualité de David V.
Publié le 24/11/2014

Le Front russeOn lit trop rarement le nom d'Eysines dans la littérature d'aujourd'hui pour ne pas souligner ici, en préambule superflu, la joie particulière qu'on a ressenti à voir apparaître, au détour d'une phrase, cette joyeuse ville de notre banlieue, "capitale de la pomme de terre",  au détour d'un paragraphe, non pas qu'il s'agisse, rassurez-vous, du théâtre du premier roman de Jean-Claude Lalumière qu'on va découvrir bien plus aventureux, mais au milieu des nombreuses péripéties qui émaillent son épatant livre c'est comme une respiration calme et proche... Car les soubresauts ne manquent pas dans Le Front russe (à paraître le 25 août) à la suite du héros débordant de vitalité et d'ambition dont nous allons suivre le brillant parcours professionnel, entre montagnes russes et désert de l'Oural. Initié aux charmes puissants de l'exotisme en lisant et relisant sans fin les quelques numéros de Géo familiaux, le jeune Boully s'est lancé dans la carrière diplomatique, s'enivrant à l'avance des odeurs de l'ailleurs, des frissons garantis par le danger d’une vie au service de son pays. C’était sans compter sur le terrible revers de la médaille dorée que l’on se voit déjà autour du cou, en pleine gloire : le coup droit du réel atteint en pleine face notre rêveur de grands espaces quand, à l’issue du concours administratif, l’Administration toute puissante rappelle ses droits et ses prérogatives au naïf qui a laissé traîné son attaché-case devant les augustes pieds d’un supérieur car celui-ci va, d’un coup franc, expédier notre homme dans les filets moisis d’un bureau improbable où l’on traite des pays en voie de création de la section Europe de l’Est et Sibérie. Mieux qu’un placard : un trou à rats où évoluent le « général » Boutinot qui se croit en guerre contre la terre entière, un faux voyageur qui collectionne les tee-shirts de lieux où il ne mettra jamais les pieds, une soixante-huitarde déprimante, une responsable de la photocopieuse qui veille sur elle comme sur un coffre, bref un aréopage de ratés qui ne s’émeuvent même plus quand un pigeon vient agoniser sous leurs fenêtres sans qu’il soit possible d’enlever la dépouille. Mais le furieux enthousiasme du jeune homme va vaincre l’adversité et du trou sa tête va poindre sans quitter de vue l’horizon lointain, celui où s’épanouissent les plus grands destins. Ses grandes qualités d’organisation et d’imagination vont valoir à la discrète et feutrée diplomatie française un beau feu d’artifice, mélange de pétards mouillés et de peaux de banane flambée. On aura garde de ne pas dévoiler les aventures de ce Bond sans aucun permis sinon celui de tuer le temps, ce serait trahir ses gaffes hautes en couleurs et désarmantes de drôlerie. Exotique et drolatique, Le Front russe  ne manque ni de rythme ni de rebondissements, son personnage et narrateur oscillant entre amertume vache et coups de corne aiguisés, et si la morale de l’histoire n’est ni à la gloire de cette administration que nous envie le monde entier, ni à celle de l’entente entre les peuples, elle se teinte d’un humanisme désabusé savoureux de bout en bout. Bienvenue sur le Front littéraire M.Lalumière !

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