La norme permet d’unir tous les membres d’une société. Aussi trépidante que peut être la vie de chacun, nous devons tous suivre des règles, des lois établies afin que soit rendue possible la vie au sein de la communauté. Et chaque individu raisonnable sait qu’on ne peut passer outre ces réglementations sans s’exposer à des risques.
Cette réalité pourtant échappe au personnage principal de l’unique roman d’Olivier Bourdeaut. Tout au long du récit d’En attendant Bojangles, on ignore le prénom de cette femme qui est au centre de l’histoire. Elle nie la réalité du monde et ne donne d’importance qu’à l’extraordinaire. Il faut que son quotidien soit chaque jour plus amusant, plus extravagant, plus libre. Interdiction de se préoccuper de choses ennuyeuses comme le font les gens banals. Son comportement mystérieux suscite beaucoup de questionnements sur son passé et sur les raisons de cette douce folie.
Entrainant son fils et son époux dans son univers chic et déjanté, elle remplit leur quotidien de soirées danses et cocktails. Eperdus d’amour et d’admiration pour elle, Ils sont prêts à la suivre partout et coûte que coûte.
Le roman entremêle les récits des hommes de sa vie, ceux de son fils, témoin admiratif de la merveilleuse vie de ses parents, qui accepte tout et leur pardonne tout et ceux de George, son époux devenu maître menteur, profondément épris d’amour pour elle.
Mais lorsque les contraintes de la réalité vont se rappeler à leur bon souvenir, cela va provoquer un séisme irréparable dans leur vie, synonyme de tourments, tristesse et aggravation de la santé mentale de la mère. Le récit bascule donc de la fête constante vers une inévitable descente aux enfers. Acculée par la réalité des choses, la mère multiplie les crises d’hystérie qui empoisonneront le quotidien de toute sa famille et la mèneront vers un sombre destin. Et pourtant, jusqu’au bout le trio restera uni, les hommes épousant la folie maternelle de plus en plus ingérable.
C’est un charmant roman d’amour qu’Olivier Bourdeaut nous propose. Court, élégant, et original, il aborde un sujet délicat, tout en laissant un voile de mystère. Il amène le lecteur à ressentir de la compassion pour cette femme, mais surtout pour son entourage, qui la regarde agir tout en ayant conscience que son comportement ne pourra durer éternellement. De plus la double narration, d’un côté enfantine et de l’autre beaucoup plus matûre, séduit lors de la lecture car on se retrouve dans la peau d’un enfant qui aime sa mère et aussi d’un homme qui aime son épouse. Les sentiments des uns envers les autres sont tendres et profonds.
Les lecteurs sensibles, les poètes et tous les amoureux de l’extravagant seront ravis de cette lecture, que je recommande vivement.