Billet sur L’oiseau Bariolé de Jerzy Nikodem Kosinski
L’oiseau bariolé, une pratique ignoble à la base qui consiste à peindre à l’aide de couleurs criardes un oiseau avant de le relâcher parmi les siens qui, ne le reconnaissant plus comme l’un des leurs, fondent sur lui et le massacrent. Telle est la métaphore de ce que vit ce petit garçon envoyé par ses parents à la campagne à l’aube de la seconde guerre mondiale. Il est brun au teint basané là où tout le monde est blond aux yeux clairs. C’est ainsi que commencent les péripéties du jeune garçon qui erre de village en village à la recherche d’un endroit où dormir. Mais son physique fait de lui le bouc émissaire de tous les paysans. Sa touchante naïveté fait que les villageois parviennent à le persuader qu’il représente le mal. Maltraité tantôt par les enfants du village, tantôt par ses maîtres, comme il les appelle, le jeune enfant essaye de survivre dans ce milieu hostile, où persistent les plus étranges superstitions. Témoin des pires scènes d’épouvante de la barbarie nazie, il échappe de peu à la mort. La violence arrive à un tel paroxysme que l’enfant finit par en perdre l’usage de la parole. Mais la fin de la guerre arrive et ce sont deux soldats de l’Armée Rouge qui le prennent sous leur protection jusqu’à ce qu’il soit envoyé dans un orphelinat où ses parents le retrouvent au grand dam du jeune garçon. Néanmoins, les spectacles d’horreur auxquels le petit garçon a assisté pendant la moitié de sa vie lui ont inévitablement laissé des marques indélébiles. Ainsi, un monde cruel a formé un jeune monstre qui sombre peu à peu dans les abîmes de la délinquance. Heureusement, ses parents veulent protéger leur enfant et l’envoie à la montagne où, suite à un accident de ski, il retrouve l’usage de la parole. C’est sur cette note positive, au milieu de récits d’atrocités sans nom, que se termine l’histoire.
L’omniprésence de la violence dans ce livre peut en choquer plus d’un d’autant que certaines scènes sont décrites avec un vocabulaire morbide et une précision déconcertante. Ce livre rend bien compte jusqu’où la cruauté humaine peut aller dans une période où la violence est à son apogée. Néanmoins la présence du jeune garçon, naïf et réservé, nuance ce côté violent. Ce personnage se révèle même attachant dès le début du livre où l’on ressent beaucoup de peine et de pitié à la fois. De plus, on peut apprécier les détails de la vie quotidienne des paysans pendant la guerre. Cet envers du décor, très peu abordé dans les cours d’Histoire, permet de se rendre compte des conditions de vie désastreuses en Europe pendant la guerre. La peur est ubiquiste et les gens vivent dans l’angoisse permanente de l’arrivée des Allemands.
Ce livre, saisissant de violence, d’une écriture efficace et sans concession, mérite qu’on le lise même s’il peut choquer les âmes les plus sensibles.
Billet de Marc Eliçagaray, étudiante en B.T.S. Commerce International, première année