Révoltée, insoumise,enragée. Shosha est comme ça. A vif, épuisée par cette rage au coeur qui l'envahit. Dans son journal elle jette en vrac ses émotions et contradictions  sans faire le tri. En tête des chapitres, des citations glanées ici et là, miroirs d'encre de son mal être. Shosha n'a pas demandé à naître et Cioran revient souvent dans ses "morceaux choisis".

De l'inconvénient d'être né, Shosha voit très bien ce que cela signifie et pas seulement parce que l'adolescence et ses explosions d'hormones la tiraillent et la mettent à mal. Sa mère lui a avoué sans détours quelle se serait bien passé d'elle et quelle a d'ailleurs tout essayé, enceinte, pour que sa grossesse n'arrive pas à son terme. Dur à encaisser, à admettre, à comprendre...

Entre citations, poèmes et mal être déversé sur les pages, Shosha exorcise, cicatrice. Faisant claquer les mots comme autant d'étendards au vent de sa fureur, les faisant résonner tout en les tissant, l'un entraînant l'autre. Même si Je renaitrai de vos cendres n'était que cela, cette expression fervente et douloureuse -mais teintée d'humour aussi- ce serait déjà un très joli roman, disant avec justesse combien les mots aident à faire sortir de soi ce qui blesse. Mais au milieu du roman, alors que l'Histoire fait sens tout à coup dans la vie de Shosha par un concours de circonstance qui l'amène à travailler sur la deuxième guerre mondiale, le thème du secret et du non-dit viennent s'inviter à la fête et c'est par un troublant labsus que Shosha va se révéler à elle-même et trouver enfin sa place.

Les mots sont à l'honneur, virevoltent ou martèlent et c'est un grand bonheur de lecture que nous offre, encore une fois, la subtile Elisabeth Brami. Elle excelle à  fouiller les mémoires, les secrets et les peurs  et nous emporte vers la paix, la réconciliation et la compréhension.