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Se venger, et après ?

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Une actualité de Véronique D.
Publié le 26/09/2012

J'aurais envie de commencer cet article par la formule d'usage "âmes sensibles s'abstenir", comme un principe de précaution contre les voix qui, certainement, ne manqueront pas de s'élever contre un livre jugé trop noir, trop violent ou trop cru. Elles s'élèveront a priori, sans même, pour beaucoup, avoir pris la peine de lire le roman dont il est question et encore moins d'aller jusqu'au bout. A ces porteurs de voix qui ne veulent voir dans la littérature (et notez bien que je ne dis pas littérature "ados" mais littérature "tout court") que bons sentiments et phrases polies, je dirais qu'ils vont perdre leur temps à aller plus loin. Aux autres, aux curieux, aux aventuriers (même aux aventuriers sensibles) je dirais que ce roman-là vaut le détour parce qu'il est de ceux qui osent et font date, son éditeur Thierry Magnier ne s'y est pas trompé en débusquant ce roman traduit (superbement) du norvégien.

De quoi s'agit-il ? Kurt, 17 ans, vit avec Pa, son père, et a pour seule amie leur vieille voisine, Fanny. Le  jour où elle est retrouvée assassinée dans son salon, Kurt decide de mener l'enquête en compagnie de la petite-fille de Fanny, la plus que troublante Therese, apprentie policière. Jusque là me direz-vous, pourquoi avoir pris tant de précautions ?

Toute la force de ce roman réside dans son traitement : Kurt vit avec le souvenir de sa mère toxicomane et le fait est que ses souvenirs sont peu nombreux mais  sont plus douloureux que jamais. Il est né dépendant lui-même et voue une détestation farouche à tout ce qui touche à l'univers de la drogue, à la délinquance mais aussi aux émigrés, aux homosexuels, bref à tout ce qu'il considère comme différent d'un monde qu'il souhaiterait parfait sans qu'il ait l'idée de ce à quoi ça pourrait ressembler. Ou plutôt si : le monde serait parfait (ou en tout cas plus intéressant) si la belle Therese devenait sa petite amie. Accompagné des chansons de Nirvana qui le fascinent, Kurt à la haine, la rage, en veut au monde entier et surtout à son père de n'avoir pas su comment sauver sa mère, de l'avoir laissée mourir. Kurt a le verbe haut, cru, grossier et pourtant, de temps à autres, au milieu de propos nauséabonds, une tendresse se glisse. Une fragilité. Un désarroi. Immenses. La vengeance viendra en remède à son envie d'en finir...

Il y a pourtant beaucoup d'humour dans L'heure de la vengeance, (Kurt a le sens de l'image et de la formule), de la violence aussi, crescendo. Ceux qui trouvent que les romans de Guillaume Guéraud vont trop loin n'aimeront pas plus celui-là sans doute. Mais cette solitude écorchée, cet adolescent perdu dans ses idées et dans ses repères sont bien trop crédibles pour ne pas en être troublants. Et la toute fin laisse un lecteur étourdi, désolé pour ce Kurt qu'on aurait bien secoué pour lui remettre les idées en place, mais que tout compte fait on a juste envie de consoler, de lui dire aussi que l'on est désolé... De la littérature qui ose, claque et  fait mouche !

Coup de coeur à partir de 15 ans.

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