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30 ans sous le Cheyne, suite

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 18/03/2016

expo30ans1.jpgA défaut de vous rendre à Paris à l'exposition rétrospective des 30 ans de la maison Cheyne  (du 12 au 31 juillet) ou aux fameuses "Lectures sous l'arbre" (du 17 au 22 août) au siège historique à Chambon-sur-Lignon au centre de la France, vous pouvez vous plonger dans la superbe anthologie Cheyne 30 ans 30 voix qui présente des extraits des auteurs phares ayant bâti et consolidé la maison d'édition en trois décennies, soit une "génération" comme s'amuse à le rappeler Jean-François Manier. Pour vous donner un aperçu de la diversité de ses auteurs et de leurs styles, nous avons choisi de vous présenter quelques unes de nos lectures favorites parmi les quelques trois cents titres que compte le beau catalogue Cheyne :

cosnay-langue-maternelle.gifLa Langue maternelle est le dernier ouvrage de Marie Cosnay paru dans la collection rouge "Grands Fonds" dirigée par deux auteurs phares de la maison,  Jean-Pierre Siméon et Jean-Marie Barnaud. Ce récit familial ayant pour cadre les Pyrénées natales de l'écrivain défie toute linéarité, voire toute vraisemblance et, à vrai dire, déroute autant qu'il fascine. L'enterrement du père au début de la narration favorise la résurgence de souvenirs bruts liés à une enfance violente et honteuse, vécue sous les coups et les cris de ce tyran qui hérite bientôt de la langue maternelle jusqu'à étrangement devenir un "père féminin". A la fin de ce long poème en prose fantasmatique, la métamorphose a gagné la narratrice atteinte d'hermaphrodisme, thème qui hante Marie Cosnay depuis Villa Chagrin (Verdier, 2006) et qui atteint ici son apogée dans la trouvaille et la naissance d'une langue "imprononçable", "inconnue de tous" dont elle seule détient le secret et l'usage.

onzains-nuit-masson.jpgDans un style rappelant le lyrisme flamboyant du XIXème siècle (l'auteur est traducteur de nombreux auteurs romantiques), citons les Onzains de la nuit et du désir de Jean-Yves Masson qui nous plongent entre aube et soir dans un univers onirique proche du sacré dans lequel le divin est porté à hauteur du désir triomphant de l'homme : "le désir invente/ce qui peut-être en nous survivra à la nuit". Le poète porte l'ambivalence et l'union des contraires puisqu'en lui se rencontrent à la fois la nuit et le désir, la mort et l'étreinte qui est la matière même de sa magnifique inspiration : "De nuit et de désir je fais un seul ouvrage,/ je couds la mort et l'ombre à la chair des vivants. / [...] Vivants et morts, arceaux d'un seul et même temple./ Notre désir, ce peu de flammes qui vacillent."

gelle-je-te-nous-aime.jpgAlbane Gellé dans Je te nous aime nous invite à suivre l'histoire ordinaire d'un duo (père et fille ? mari et femme ?) dont la difficulté de communication est physiquement représentée sur l'espace de la page (alternance entre une page consacrée à "il, l'autre en miroir à "elle" et quelques lignes suffisent à chaque fragment fonctionnant comme autant de haïkus) jusqu'à la réunion possible enfin concrétisée par le passage au "je" et au "tu" qui signe la belle déclaration d'amour finale : "tu/parles mon silence tous mes éner/vements tu sais mes impatiences au/bout de la fatigue je ne me défends/plus j'entre dans notre langue long/temps je te nous aime".

C'est également à cet assentiment général, ce "oui au monde, oui à la différence de l'autre" (Bonnefoy) à laquelle nous invite depuis 1980 (et encore espérons-le pour longtemps) les éditions Cheyne : n'est-ce pas là, en creux, le voeu poétique de toute véritable création ?

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