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"A country noir" écossais

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 29/03/2016

barry gornell Après la Suédoise Monika Fagerholm et son inquiétante étrangeté distillée dans Lola à l'envers, à la suite de Zane Lovitt et son privé australien à l'humour tendre découvert dans La promesse de minuit (tous deux parus en octobre dernier) la collection Mercure noir poursuit son investigation vers des territoires singuliers en publiant d'envoûtants polars d'atmosphère. La résurrection de Luther Grove, premier roman traduit de l'Ecossais Barry Gornell ne déroge pas à la règle. Nulle enquête menée tambour battant ni thriller sanglant mais un roman noir rural dont la tension va crescendo (en cela, Barry Gornell avoue que son écrivain fétiche de polars est Daniel Woodrell¹ et nous retrouvons en effet cette belle influence dans son style) s'accorde parfaitement aux paysages des Highlands et à l'intrigue qui vous retient dans son piège dès la première phrase :

"Luther Grove en avait abattu quatre et cela lui suffisait " .

Peu après, nous savons que cet homme qui vit quasiment en autosubsistance dans une cabane au confort sommaire chasse le lapin, mais le gibier ne semble pas le seul dans les environs. De nouveaux voisins viennent d'investir l'ancienne ruine des Macpherson réhabilitée en une douillette maison de famille qu'ils ne tardent pas à appeler leur cocon. L'image du couple idéal et moderne vient heurter la solitude de l'ermite au regard d'une tristesse insondable et qu'on dit fou depuis la noyade de leur fille Ishbel (elle avait quatre ans) et la mort de chagrin de sa femme Tarragh. Cette intrusion va réveiller les démons de Luther qui espionne John et l'incandescente Laura, ainsi que leur petite Molly, à peine deux ans, dont la candeur et la vivacité va émouvoir le vieux Luther qui se replonge dans son amour éperdu pour ses chères disparues et... faire basculer le tableau bucolique dans le drame. Car la beauté de cette nature qui s'assombrit dès qu'on rejoint à quelques pas le sous-bois, faisant penser Laura à une forêt à la Hansel et Gretel, ainsi que la présence du loch menaçant d'engloutir dans ses eaux troubles les monstres les plus invisibles vont agir comme une sorte de miroir et de philtre maléfique pour les personnages, faisant sortir de la cave (à la fois grotte et mausolée) de Luther les ombres d'un passé inavouable, y compris celui de Laura et John.

Marie-Pierre Gracedieu, directrice de la collection noire au Mercure de France, tient le pari de révéler des voix inouïes dans le monde du polar : faisant fi des modes et des genres, les trois romans qu'elle a publiés nous conquiert par la puissance romanesque des écrivains, par la qualité des intrigues et des écritures (sans oublier les traductions) qui tiennent en haleine sans besoin d'effrayer le lecteur, à la manière de maléfiques contes de fées. Le mois prochain nous ne manquerons pas de parler d'un événement attendu, la parution du deuxième volet de la trilogie du Baztán, De chair et d'os : en 2013 nous étions nombreux à être tombés sous le charme du premier tome de Dolores Redondo intitulé Le gardien invisible (qui vient de sortir en format poche chez Folio policier). Cette heureuse poursuite dans la récente collection Mercure noir nous était annoncée en avant-première par l'éditrice dans la vidéo que nous avions réalisée lors de sa venue à l'occasion de notre rendez-vous mensuel Mollat Polar n°2 :

http://youtu.be/othPwUI9z9c   -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ¹ Le titre de ce blog est emprunté au sous-titre anglais du polar de Daniel Woodrell : Gives us a kiss : a Country Noir, traduit en français par Faites-nous la bise et publié chez Rivages/noir.

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