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Allons infantes

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Une actualité de David V.
Publié le 30/08/2013

Il n'est pas indispensable de suivre les émissions de Stéphane Bern pour être tout de suite à son aise avec le nouveau roman de Chantal Thomas, L'échange des princesses qui paraît au Seuil en cette rentrée. L'épisode dont elle s'inspire n'est pas de ceux qu'on met en avant dans les manuels d'Histoire où la Régence n'est pas particulièrement bien vue tant on l'associe aux supposées turpitudes de Philippe d'Orléans et tant la période contraste avec la fin de règne crépusculaire du Roi Soleil. Si donc vous pensez ne plus savoir qui est Marie-Anne Victoire Infante d’Espagne, épouse très précoce (7 ans…) du futur Louis XV, ce roman, délicieux et souvent perfide, vous rafraîchira intelligemment la mémoire. N’oublions pas que l’auteure (qui sera prochainement notre invitée à la librairie) est une spécialiste d’un siècle qui vit se déployer deux figures antagonistes d’une même vision de la liberté, Casanova et Sade. Deux princesses sont les malheureuses héroïnes de ce ballet diplomatico-amoureux, deux infantes, objets de tractations politiques pour qui leur âge ne compte pas. Mademoiselle de Montpensier, la fille du Régent Philippe d’Orléans est «proposée» à Philippe V, le cousin d'au-delà des Pyrénées, pour son héritier, en échange de quoi on mariera le Dauphin à l’infante venue d’Espagne, habile calcul qui permettrait de conforter une paix familiale et d’arroser au Bourbon une famille dont le nez en politique est bien connu. Mais rien ne se passe comme prévu, au grand plaisir de Chantal Thomas qui nous raconte avec délectation l’enchaînement de circonstances, de l'attitude ambiguë du futur Louis XV dont on n’oublie pas quel ogre il deviendra, aux errements de la princesse en passant par la disparition inopinée de l’Orléans. Ce qui force l’admiration à la lecture de cette histoire revisitée est la vision qu’elle nous donne de ces enfants jetées aux loups de la cour, aux délires partisans, aux désirs qui bruissent dans les antichambres. Passant d’un registre à l’autre, Chantal Thomas nous rappelle avec brio que ce genre terriblement à la mode qu'est le roman historique et qui nous vaut des livres écrits, souvent, au mieux avec des moufles, au pire avec des pieds, permet toutes les audaces et que l'exercice de la liberté littéraire peut s'y déployer quand l'écriture est à la hauteur. Juchées sur ses hauts talents, Chantal Thomas nous régale d'un petit bijou XVIII° d'une modernité jouissive. Ce sera un des beaux plaisirs de cette rentrée, un livre de rois.

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