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Attention Traven

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

Le trésor de la Sierra MadreA force d'attendre la version intégrale du Trésor de la Sierra Madre, le chef-d'oeuvre de B.Traven, on avait un peu renoncé à jamais le lire, nous contentant de celle, très médiocre et plus ou moins disponible après sa parution chez Stock et au Livre de poche. L'espoir avait rejailli quelques temps lorsque La Découverte entreprit de retraduire toute l'oeuvre de l'un des auteurs le plus mystérieux du XX° siècle. Las, après la parution de  La révolte des pendus, du Vaisseau des morts, de Rosa Blanca, de La Charette, du Chagrin de Saint-Antoine, la collection Culte Fictions  animée par l'infatigable Jean-Claude Zylberstein cessa son activité de résurrection, victime d'un manque de rentabilité qui ne pardonne pas dans certains groupes éditoriaux. Une petite maison dont nous avons déjà eu ici le soin de dire tout le bien que nous pensions de son travail de mémoire, n'écoutant que son courage et forte de la certitude que certaines oeuvres méritent tous les sacrifices (mais je suis certain que celui-là sera rentable, un jour ou l'autre), a donc entrepris de confier à un traducteur le soin de s'atteler à cette tâche avec pour défi de donner à lire une partie inédite de l'ouvrage (car Traven a augmenté les éditions de son opus comme l'indique l'éclairante et rapide introduction). Le résultat est à la hauteur de nos espérances, rendant justice à ce roman unique sur la soif de l'or, sur le délire qui saisit ceux qui sont prêts à tout pour un gain illusoire : les trois gringos qui sont les héros de cette aventure où le sordide le dispute à l'héroïque arpentent ce Mexique que Traven a si finement observé (il y a passé plus de la moitié de sa vie fuyant un passé trouble dont on ne connaîtra jamais le fin mot), pays de misère et de cocagne où le pétrole abonde et peut vous enrichir sauf quand on se rend compte que l'économie ne peut absorber de telles quantités sur un marché aussi réduit, où viennent s'échouer des misérables qui mendient, volent, délirent sur une gloire passée et un avenir radieux, les trois gringos qui vont passer quelques mois au coeur de la terrible sierra prennent sous la plume aiguisée mais jamais lyrique du romancier une dimension tragique et pitoyable, nous empêchant de nous rallier à leur cause (même si le vieil Howard parvient, par sa sagesse rusée, à se rendre sympathique). Ils creusent la montagne à en devenir presque fou, ils menacent de s'entretuer mais scellent leur union autour de l'illusion d'un gain, ils défendent leur peau et frôlent ce qui pourrait être une amitié. Traven dénonce bien évidemment la rapacité mais ne fait jamais dans la sensiblerie ni dans l'oeuvre à thèse, c'est un pur romancire, jamais bavard, il raconte les siècles d'esclavagisme des espagnols emmenés par une église immonde dévorée par la cupidité et l'hypocrisie et la lourde conséquence qui a fait d'un peuple d'indiens un agrégat de gens sans morale prêts à tout pour survivre (voir la fabuleuse séquence de l'attaque du train et de la chasse aux bandits). John Huston a fait de ce roman un grand film qui eut un très important retentissement (Traven participa au tournage en se faisant passer pour son propre agent), il a cependant un peu occulté l'oeuvre qui le fit naître. Avec la parution de ce nouveau volume des éditions Sillage, possibilité est donnée aux lecteurs français de lire en entier cet immense livre : qu'on ne rate pas l'occasion, ce serait manquer un vrai trésor.

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