Chargement...
Chargement...


Bon à manger, bon à lire !

1137_bon-a-manger-bon-a-lire
Une actualité de Fleur Cattiaux
Publié le 24/08/2013

sam-savage.jpgEn dépit de sa petite taille et de sa race, vous vous souvenez certainement du héros de Ratatouille, un rat prénommé Rémy qui s'était mis en tête de devenir un célèbre chef français. Et bien figurez-vous qu'au moment de sa sortie en salles au Etats-Unis en juin 2007, le concept d'un rongeur plutôt sympathique comme vedette, remis au goût du jour par Brad Bird et Jan Pinkava, avait été utilisé une année auparavant par l'écrivain Sam Savage. En effet, celui-ci, alors âgé de 65 ans, avait signé son premier roman en avril 2006, un ovni littéraire intitulé Firmin: Adventures of a Metropolitan Lowlife.

Dans un univers culturel où les héros animaux sont généralement cantonnés à la littérature jeunesse et aux dessins animés pour enfants, si Ratatouille a pu enchanter les grands comme les petits, Firmin, autobiographie d'un grignoteur de livres, qui paraît en France aux éditions Actes Sud avec les illustrations de Fernando Krahn1 après avoir remporté un franc succès dans d'autres pays européens comme l'Espagne et l'Allemagne, se destine en premier lieu à un lectorat adulte - même s'il pourra également être dévoré par des lecteurs plus jeunes.

Le narrateur de ce roman éponyme n'est autre qu'un rat atypique, cynique et un brin mélancolique, dont la tête surdimensionnée domine un corps pour le moins chétif et ce dès son enfance, qui ne fut d'ailleurs pas particulièrement tendre. Né entre les pages de Finnegans wake au fond d'une librairie d'occasion dans le sous-sol d'un immeuble de Scollay Square2 - faut-il y voir une certaine forme de déterminisme ? - ce petit personnage un peu spécial souffre d'un "cas banal de biblioboulimie" - banal, vraiment ? - d'abord dans le sens littéral, puis dans le sens figuré. Assez rapidement, ce petit humaniste pour qui l'apprentissage non seulement de la lecture mais de la littérature va de pair avec l'appréhension de la race humaine, se sent cependant limité de ne pouvoir communiquer avec les hommes qui l'entourent. Serait-ce exagéré d'affirmer que le drame de sa vie est lié à une erreur de casting, à son parachutage dans ce corps qui ne correspond en rien à ses ambitions ?

Le récit des pérégrinations de ce rat de librairie au gré de ses rencontres avec une petite poignée d'humains donne alors lieu à une éloge de la différence, ainsi qu'à des constats finalement implacables sur les forces à l'oeuvre dans la grande comme dans la petite histoire (illustrées notamment par le plan d'anéantissement de Scollay Square). Difficile en outre de ne pas percevoir la dimension allégorique de ce conte, qui plonge le lecteur dans l'univers du livre, en insistant particulièrement sur les vertus élévatrices et les pouvoir rédempteurs de la lecture. Plusieurs niveaux d'interprétations, donc, pour ce texte aux allures de fables à la fois divertissant et moins léger qu'il n'y paraît...

N.B. : Un petit mot, enfin, pour souligner la qualité de la traduction réalisée par Céline Leroy, qui a traduit par ailleurs les deux derniers romans de Laura Kasischke chez Bourgois.


1 Les dessins de cet artiste qui est né à Santiago en 1935 ont été publiés dans nombre de grands quotidien internationaux, tels que The New Yorker, El Pais, Die Zeit et La Repubblica.
2 Si les aventures de Firmin sont bien évidemment complètement fictives, il est un fait que le quartier de Scollay Square, à Boston, a bel et bien existé. Ainsi, au début des années 1960, il fit l'objet d'un plan de destruction, après avoir constitué pendant plus d'un siècle et et demi, le quartier de détente dans lequel se retrouvaient les Bostoniens.
F.A.

Bibliographie

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail