Il y a quatre ans Adrien Bosc faisait une très belle entrée en littérature avec Constellation, le recit du vol du 27 octobre 1949 qui s'abîme aux Açores, avec à son bord, entre autres, et cet "autres" est essentiel Marcel Cerdan.
Pour son deuxième roman c'est à bord du Capitaine-Paul-Lermele qu'il nous embarque pour un destin moins funeste mais plus historique encore ; obsédé de l'errance et du destin des autres qu'ils soient anonymes ou fameux, Adrien Bosc ne pouvait que croiser ce voyage qui, en 1941, fût accompli par 200 personnes quittant l'Europe pour mille raisons personnelles, historiques, humaines.
Partant de
Marseille, André Breton, Victor Serge, Anna Seghers, Claude Levi-Strauss, Wilfredo Lam se retrouvent sur ce même bateau. Le talent d'Adrien Bosc est de parvenir tant à éviter la galerie des augustes qu'une lecture rétrospective par laquelle les destins seraient lus depuis leur fin. Il parvient au contraire à faire vivre, sentir, comprendre la singularité de chaque individu, mais aussi les effets de groupes, les douleurs du voyage, les haines idéologiques et de classe jamais résolues et toujours reconduites.
Dessinant les figures possibles de l'errance et de l’exil, ce Capitaine trouve, nous semble-t-il son sommet dans la seconde partie où la description de l'enfermement dans un lazaret à la Martinique, dont les élites surent particulièrement bien s'acclimater à Vichy, rend manifeste ce qu'il y a de sublime et de dérisoire dans toute vie.
Utilisant littérairement une documentation considérable (journaux, lettres, souvenirs) Adrien Bosc parvient à écrire le roman d'une obsession, la sienne, celle de l'errance et de la restitution des ruines de l'histoire, à illustrer exemplairement une littérature du réel entièrement faite de faits et profondément littéraire.