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Charles-Louis Philippe, prince sans couronne

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Une actualité de David V.
Publié le 19/03/2016
Charles-Louis Philippe

Quelle chance cet anniversaire Gallimard ! Grâce à ce centenaire dont on parle beaucoup - et notamment chez Mollat où on le célèbre avec vigueur - on entend de nouveau parler d'auteurs moins à l'honneur ces derniers temps. Charles-Louis Philippe (1874-1909), l'auteur préféré de Georges Brassens dit-on, fait partie de ces oubliés régulièrement redécouverts et dont on perçoit l'importance une fois écartés les approximations sur son compte. L'Imaginaire réédite Croquignole, Bubu de Montparnasse est toujours au catalogue des Cahiers Rouges de Grasset, de petits éditeurs s'en souviennent, pas l'oubli donc mais un respect poli et l'honorable mépris des universitaires qui ont d'autres génies à fouetter. On est donc reconnaissant à Bruno Vercier qui a élu cet auteur parmi d'autres dans son panthéon personnel, de lui consacrer un superbe ouvrage dans la non moins superbe et indispensable collection L'Un & l'autre de J.B.Pontalis. Son propos ? Ni un éloge, ni un panégyrique, mais un voyage en compagnie d'un auteur mort avant de s'être assuré une postérité durable mais auquel de grands auteurs vont rester fidèle, longtemps. Qu'on se souvienne que parmi les trois premiers livres édités sous le sigle de la N.R.F. il y avait, à côté de l'auguste Claudel, un Philippe, enfant du peuple s'étant tout entier consacré à la littérature et qui eut à subir le destin de ceux que le sort ne veut pas favoriser, un peu comme plus tard Eugène Dabit, lui aussi balayé trop vite d'une scène où il aurait grandi. Ce que ce livre nous dit, avec intelligence et sans cet excès de lyrisme qui condamne les livres sur les auteurs méconnus du fait de l'accumulation d'hyperboles qu'on a bien du mal à justifier, c'est comment un enfant d'en bas a réussi à inventer une langue qui lui soit propre sans cesser d'être celle de tout un peuple que l'on croit silencieux parce que personne n'écrit pour lui. Charles-Louis Philippe ne faisait pas peuple, ne surjouait pas sa condition, il en faisait une matière littéraire pétrie des beautés de sa misère. Un siècle après sa mort, si la Société des Amis de C.-L.P. n'existe plus comme naguère, l'auteur reste en vie, sa langue nous parle. Et ce n'est pas le moindre mérite de La mauvaise fortune que de nous inviter aux vraies richesses d'un roi sans couronne de la littérature française.

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