Au nom d'Alfred Hayes, personne ne réagit, et pourtant, vient de surgir du fond des années 50 l'un des plus beaux romans noirs d'amour que nos ayons lu depuis longtemps :
Une jolie fille comme ça aux éditions Gallimard.
Commençons par rendre grâce à la très talentueuse Agnès Desarthe, qui après nous avoir donné avec
Ce coeur changeant, l'un des très bons romans de cette rentrée littéraire, fait maintenant parvenir jusqu’à nous cette perle noire en la traduisant et l'introduisant avec le tact nécessaire pour nous donner envie sans trop en dévoiler.

Alors quel est ce Hayes et quel est ce livre? Hayes fut Anglais et l'un des scénaristes à la mode des années 50, il écrivit une dizaine de livres dont voici le deuxième traduit en français.
Quelle est cette jolie fille ? Une fille trouvée par le narrateur (elle et lui resteront sans nom tout le livre) alors qu'elle s'enfonce dans le Pacifique, martini à la main et qu'il s'ennuie à fumer au balcon d'une villa en fête.
Le scénariste blasé qui sauve la jeune femme en quête de célébrité, incapable de comprendre que la beauté et la jeunesse sont ses seuls talents ; cette histoire combien de fois l'avons nous lue et plus encore vue ?
C'est ici que joue profondément le talent littéraire de Hayes. En sachant nous intéresser et renouveler une histoire dont on pense tout connaître. Et surtout en faisant exister ses personnages avec une précision, une netteté qui prend le lecteur et l'émeut très singulièrement. La lâcheté de l'homme, le désir abstrait de réussite, un monde réduit aux apparences du divertissement hollywoodien mais pascalien, aussi ; toute cette vérité de nos vies Hayes nous les révèle, avec l'élégance du conteur.
Plus proche du roman noir que du mélo, éblouissant jusqu'à sa chute, trouvant une distance qui est celle de la vérité critique plus que du cynisme, ce livre est une réussite parfaite dont les images vous marqueront longtemps.