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Cruelle nature

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Une actualité de Karine G.
Publié le 25/03/2016

« J’ai fini par le tuer ». La phrase tombe, comme le couperet d’une guillotine au-dessus du cou du condamné. Car condamnés, ces hommes méritent de l’être, sans aucun doute. Pour comprendre, revenons là où tout a commencé. Quatre femmes travaillent de nuit dans une usine de panier-repas de Tokyo. Leur point commun ? Elles ont toutes des maris détestables, et détestés. Il y a d’abord Masako, la volontaire, tacitement considérée comme la meneuse du groupe. Son mari et elle vivent séparément sous le même toit, et leur fils, volontairement devenu muet, s’enferme dans sa chambre. Yoshie est une mère célibataire, plaquée par son mari qui, en cadeau d’adieu, lui a laissé la charge de sa belle-mère grabataire. Elle tente tant bien que mal de s’occuper de sa fille, adolescente désintéressée sur la mauvaise pente, et de lui payer ses frais de scolarité. Kuniko est une femme complexée, dépensière, vénale et orgueilleuse dont le mari, à la suite d’une dispute, s’éclipse avec toutes leurs économies, la laissant criblée de dettes. Enfin, Yayoi, la plus jeune, est la mère de deux charmants bambins qu’elle n’aime pas laisser seuls quand elle doit partir travailler. Son mari ne s’occupe pas de sa famille, ne s’intéresse plus à elle malgré sa beauté, et dépense tout leur argent pour courtiser une hôtesse.

Un beau jour, Yayoi finit par le tuer. Hors de question de se rendre. Il va bien falloir se débarrasser du corps, mais vers qui se tourner ? Les quatre femmes vont se retrouver plus ou moins malgré elles entraînées dans un tourbillon de noirceur, une spirale infernale dont il va falloir trouver la sortie. On les regardera se débattre les unes après les autres, comme prises au piège dans une gigantesque toile d’araignée, alors qu’au fur et à mesure d’autres personnages, tous plus noirs les uns que les autres, se feront attraper. Il faudra être sur ses gardes, car un mal plus sombre que tout le reste rôde, attendant patiemment son heure.

Consécration littéraire dès sa sortie, ce roman dépasse le stade du roman policier classique. Il dépeint la condition de beaucoup de femmes japonaises, enfermées dans leur condition d’objet, qu’il soit décoratif ou sexuel. Un monde d’hommes, machiste et violent, où les gestes et considérations d’une femme n’ont pas leur place. Kirino plante un scalpel tranchant dans la nature humaine et tire d’un coup sec, découpant et déchirant au passage les relations que peuvent avoir les hommes entre eux, l’amitié, l’amour ou la haine. Un roman haletant, noir et cruel, à déconseiller aux âmes sensibles. Personne n’en sortira indemne.

Contribution au blog polar par Marie Guillaud-Rollin

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