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Dernières nouvelles de Thomas H. Cook

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 26/03/2016
Peu de "polars" ont le charme persistant de ceux de Thomas H. Cook. Contrairement à nombre de ses pairs qui ont souvent le sens du rebondissement et du rythme endiablés, cet Américain n'utilise ni personnage récurrent ni serial killer, ni meurtres sordides... Ses romans uniques privilégient plutôt une ambiance et une intrigue psychologique qui distillent subtilement le venin du malaise, ménageant un suspense envoûtant jusqu'à un art de la chute particulièrement soigné.

cook dernière conversation avec lola fayeAlors, Luke, quel est le dernier grand espoir qu'on puisse avoir dans la vie ?

Voilà l'ouverture en forme d'interrogation du dernier opus inédit qui vient de paraître directement en format poche grâce aux éditions Points, et qui ne trouvera de réponse pour le narrateur Lucas Martin Paige qu'à la conclusion de cette passionnante Dernière conversation avec Lola Faye. Alors que le Dr. Paige vient donner une conférence d'Histoire dans un musée de Saint-Louis, une femme de 47 ans s'avance pendant la dédicace d'un de ses livres et lui rappelle les "funestes choix" d'un passé commun qui lui incombe de soulever un pan du "linceul gris qui enveloppait [sa] vie". Car Lola Faye Gilroy le ramène à la tragédie que vécut sa famille et qui ébranla ce cloaque du Sud : Glenville résonne pour Lucas/Luke comme le symbole d'une enfance maudite de laquelle il a voulu au plus vite s'arracher, malgré le poids des origines. Si sa mère l'a toujours incité à partir de cette bourgade de l'Alabama en rêvant avec lui d'un destin glorieux où il intégrerait Harvard, son père Doug est demeuré un commerçant minable, incarnation de la médiocrité ambiante. Comble de l'abjection et de l'incompréhension des êtres : ce père pourtant méprisé a noué une liaison avec son employée Lola Faye jusqu'à déclencher un cataclysme, à savoir l'assassinat de Doug par le mari de Lola, Woody, qui se suicida à la suite de ce geste fatal. Or, c'est cette version jusqu'alors officielle que vient remettre en question cette paria, des années plus tard, pour une longue et ultime rencontre entre les acteurs du drame (la mère de Lucas, Ellie, a disparu après plusieurs années de chagrin et de maladie). Cette rencontre en forme de confession et d'interrogatoire (Lola Faye s'est remariée avec un flic à la retraite qui lui a enseigné les méthodes d'enquête) va apporter une lumière inattendue sur cette vieille affaire, la vérité tenant moins à la personnalité menaçante de cette maîtresse qu'à la relation tumultueuse d'un père face à son fils qui tente à tout prix de s'échapper du cocon familial sclérosant. Cette ultime conversation pourrait l'amener à revoir sa position de juge impitoyable concernant ce père a priori défaillant. Car Luke est devenu aussi, selon son propre avis, un écrivain médiocre... Que cache donc l'énigme de ces échecs ?

L'exploration des liens familiaux sous-tend l'ensemble des romans de Thomas H. Cook qui réussit à chaque fois à renouveler son approche et à imaginer une intrigue resserrée autour de quelques personnages et leurs allers-retours entre présent et passé riches de références puisque se mêlent à leur mémoire : la littérature classique (les poèmes d'Emily Dickinson, Anna Karénine), l'Histoire (matière de prédilection de l'auteur qui fut professeur) et les films noirs (Assurance sur la mort).

cook dernier message de sandrine madisonComment réussir sa vie ? Que vaut une vie ? Quel est le prix d'un destin que l'on choisit, en dépit de ses racines ? Tels sont également les questionnements métaphysiques qui parcourent Le dernier message de Sandrine Madison, paru (en grand format) aux éditions du Seuil. Remarquable thriller judiciaire et psychologique (on pense à John Grisham et à Douze hommes en colère) entièrement construit autour des dix jours de procès mettant en accusation Sam le coupable idéal du meurtre présumé de sa femme Sandrine Madison, retrouvée morte après avoir ingéré un cocktail de barbituriques et d'alcool et laissé un mystérieux message faisant référence à la reine Cléopâtre (sujet de la prochaine étude que préparait cette brillante enseignante d'Histoire). Sans jamais lasser le lecteur devenu à la fois le confident du mari suspect car étrangement indifférent à cette disparition, et le regard des jurés chargés de livrer leur verdict après l'écoute des différents témoins (famille, amis, collègues, médecin, coroner chargé de l'enquête) qui se succèdent à la barre. Comme dans chacun des romans de l'auteur (tels Les leçons du mal, Les ombres du passé, Mémoire assassine, La preuve de sang...), l'introspection dans le passé des personnages sera la clé d'une résolution a posteriori d'une énigme familiale et intime (Sam est-il coupable, pas coupable, et de quoi ?) qui touche finalement au genre humain : que connaît-on vraiment de celui/celle qui partage sa vie ? Cette "autopsie d'un mariage [qui] est aussi une histoire d'amour inattendue" (selon Joyce Carol Oates admirative de Thomas H. Cook) nous amène dans les replis et secrets d'une vie de couple pas si parfaite qui nous fait penser au meilleur de cet auteur des Feuilles mortes (autre roman sur la Faute et la quête de la culpabilité en dépit des apparences) au somptueux  Au lieu-dit Noir-Etang, récente variation sur l'irrésistible pêché de chair et l'impossible oubli qui hante chacun des survivants qui traversent ces romans noirs d'une grande intensité et finesse d'écriture.

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