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Deux Twain valent mieux qu'un tu l'auras

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

Mark TwainOn se disait, c'est fichu : les enfants grandissent et on n'a pas trouvé le moyen de leur faire lire Tom Sawyer (avec un peu de chance ils auront échappé à la version animée japonaise, mais c'est une piètre consolation), et comme les préjugés ont la vie longue, on pense que Mark Twain, ce n'est plus trop le moment. A dire vrai, on ne se disait rien du tout : on est simplement passé à côté de Mark Twain et il n'y a eu personne, non, personne, pour nous en faire le reproche. C'est pourquoi, quand le duo Tristram a surgi, programme au poing, avec dans une main Les aventures de Tom Sawyer et dans l'autre Aventures de Huckleberry Finn, notre sang n'a fait qu'un tour, notre cœur a bondi, nos poumons ont cherché de l'air, etc..., bref, une multitude de signaux physiques qui ne trompent pas nous ont averti que l'événement était de taille et qu'une possible rédemption nous était offerte : le temps de lire Twain était venu ! D'autant qu'avec Bernard Hoepffner aux commandes de la traduction, aucun doute ne devait poindre sur la qualité du texte.

A côté des vedettes comme Richard Ford ou Thomas Pynchon, d'une modernité visible et affirmée attirant tous les regards et les compliments, voici donc nos deux volumes désormais disponibles au milieu des nouveautés et tout sauf vieillots. Car si l'histoire nous projette dans l'état du Mississipi du milieu du XIX° siècle, au cœur d'un petit village qui grandit le long du fleuve, si l'ambiance est celle d'une communauté soudée autour de son église presbytérienne, si les gosses ont droit à des roustes de leur maître sans que cela suscite la moindre plainte (si ce n'est celle des enfants, peu épargnés), si le lynchage a cours sans émotion, bref si tout respire le temps révolu d'une société où les classes sont bien affirmées, comment se fait-il que nous n'ayons jamais l'impression de respirer de la poussière, aussi noble fut-elle ? C'est assez simple : Mark Twain est tout bonnement un auteur moderne, un de ceux qui restent lorsque se sont écroulés depuis longtemps les décors qui l'ont vu apparaître. Son art admirable de raconter se double d'une technique narrative impressionnante : retours en arrière, ellipses, suspens, mise en scène, art de la chute, sens aigü du comique, maîtrise des effets, capacité à décrire un personnage en quelques mot, il y a tout chez Twain. Le résultat est que l'on a aucun moyen de renoncer à sa lecture, que l'on se surprend à rire carrément, que l'on repousse le moment de se coucher (le vrai test…) et qu'on se désole que le roman ne fasse qu'à peine plus de 300 pages. Véritable leçon de littérature, Les aventures de Tom Sawyer offre simultanément plaisir de l'intrigue (et les rebondissements ne manquent pas avec ces garnements qui simulent leur mort, sauvent des innocents, hantent les cimetières, se perdent dans des grottes, recherchent des trésors, tombent amoureux en quelques secondes, etc…) telle que le roman feuilleton du XIX° siècle savaient en trousser (qu'on se souvienne du génie de Dickens et de l'engouement ahurissant des lecteurs de l'époque pour ses écrits) et admiration devant tant de métier. Se passionner pour les aventures d'un drôle de gamin, on n'aurait pas cru cela encore possible en ces temps de scepticisme conquérant. On comprend mieux dès lors l'importance de la dette des auteurs qui suivront à son égard : magicien du roman, Mark Twain possède un don qui lui vaut une éternité, fragile certes, mais une éternité tout de même, celle des génies de la littérature.

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