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Dewey mon amour

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Une actualité de David V.
Publié le 24/11/2014
Melvil Dewey
L’illustre nom de Dewey n’atteint que rarement l’oreille du profane sauf quand il prend à l’animateur de Questions pour un champion de demander qui est l’inventeur de la classification universelle des bibliothèques. Archivistes, bibliothécaires et libraires marquent un point à tous les coups car négliger Dewey dans ces métiers, c’est se priver de l’un des rares saints de ce monde où le seul dieu possible est le Livre tout puissant. Sophie Divry, comme son nom ne l’indique pas vit à Lyon, sans doute en haut d’une côte et la sienne risque de grimper avec son premier (et petit) premier roman à paraître à l’enseigne des Allusifs, une maison où le Français est rare (alors le Lyonnais…) d’où notre vigilance. Peut-être avez-vous le souvenir, ancien, de ces bibliothécaires aux petits relents de poussière qu’on pouvait croiser dans les couloirs de leur antre et auxquelles on n’osait pas même un salut (les bordelais pourraient citer un nom, inoubliable mais, bon, nous passerons pudiquement dessus), ces êtres dévoués à une cause qu’on n’imaginait pas encore perdue, ces gardiennes d’un temple que le moindre bruit souillait ? L’héroïne de La cote 400, si elle n’entre pas vraiment dans cette catégorie, pourrait néanmoins s’y apparenter : elle est coincée dans ses réserves dans le département Géographie (quelle cote ?) qu’elle vit comme une voie de garage alors qu’elle rêvait de Littérature. L’héroïne de La cote 400 ne manque pas de salive et si elle vous tient en son pouvoir, il vous faudra affronter son débit où se mêlent le fiel, l’amertume, la colère et aussi, plus inattendu, l’amour car il est permis de rêver d’une romance sublime au milieu des rayonnages et notre vieille demoiselle a trouvé l’élu de son cœur (qui ne l’a pas remarquée, on s’en doute, mais la patience est une belle vertu). L’héroïne de La cote 400 a tendance à ressasser un brin et le témoin muet de son monologue qu’elle a trouvé dormant dans ses étagères va payer cher son incartade car notre névrosée de première le mitraille de ses rafales de phrases percutées et les sujets ne manquent pas à cette dame sans public : la Dewey bien sûr, les lecteurs (quelle horreur !), la politique municipale, les atroces collègues, les bonnes cotes (et les mauvaises). Vous ne lui échapperez pas. Même la rentrée littéraire qui s’invite. Ecoutons-la : « Parmi les ouvrages qui sortent à l’automne, il faut sélectionner la poignée qui s’avèrent dignes d’entrer dans nos rayonnages. C’est un travail de titan. Un travail harassant. Qui n’est plus fait d’ailleurs, plus du tout. Car je suis de celles, bien que cette mentalité se soit perdue sur l’autel de la démocratisation culturelle, je suis de celles qui pensent que l’entrée d’un livre en bibliothèque doit être une reconnaissance. Une distinction. Une élévation. Que la bibliothécaire doit apporter un supplément de culture aux lecteurs, en opérant un choix parmi les flots de l’industrie du livre. Il faut se défendre. Leurs gentilles histoires larmoyantes, il faut leur couper la tête (…) il faut trancher dans le vif. Ecarter le gras. Pas de pitié pour les mauvais livres. Et dans le doute, soyons méchants. » L’héroïne de La cote 400 ne se l’envoie pas dire, et sous couvert d’un faux anonymat on avouera que malgré son délire, soutenu et drôle, elle n’a sans doute pas si tort que ça. Son petit roman aura en tout cas une sacrée cote chez nous, c’est déjà ça…

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