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Du côté de chez Swan (Green)...

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Une actualité de Sylvie
Publié le 09/05/2013

David Mitchell"J'ai eu treize ans en 1982 et je défie quiconque de dire que c'était le meilleur moment pour vivre cette terrible expérience"..., voilà ce qu'en gros pourrait déclarer Jason Taylor, le héros du dernier roman de David Mitchell, Le fond des forêts, si par quelque miracle fictionnel on le croisait aujourd'hui, trainant sa nostalgie sur les trottoirs de Black Swan Green, la petite ville où il grandit.  Mais Jason n'existe pas ou alors seulement dans les aventures que lui a imaginées son créateur qui, curieusement, est né lui aussi en 1969. Il n'existe pas mais qu'est-ce qu'il est vivant sous la plume de Mitchell! Cinq cents pages qui se lisent d'un souffle sur un adolescent dans les années Thatcher, c'est une performance qui mérite d'être saluée. Craintif, pudique, embarrassé par un bégaiement qu'il a surnommé "le pendu" (c'est dire s'il l'étouffe), par son âme de poète qu'il faut à tout prix dissimuler sous peine d'être traité de "tarlouze", par sa moustache qui tarde à s'épaissir, par ses parents qui s'engueulent un peu trop, par son cousin musclé auquel il n'arrive pas à la cheville, par les filles qui ne le voient même pas, Jason, avec son nom de conquérant, peine à imposer son prénom au coeur d'un univers dont il n'a pas toutes les clefs. Mais il gamberge, il passe son temps à calculer la probabilité des gamelles qui l'attendent et toute cette matière, ces inquiétudes qui nous paraissent anodines alors qu'elles occupent tout son espace vital, forment un récit trépidant, enlevé qui, comme l'avait fait il y a plus de trente ans Steven Millhauser avec son fabuleux La vie trop brève d'Edwin Mullhouse, écrivain américain, 1943-1954, racontée par Jeffrey Cartwright pour un  gamin un poil plus jeune, a ce talent de transformer une existence banale en aventure surprenante. Car l'enfance est un terrible royaume merveilleux où les riens deviennent gigantesques et les problèmes, les vrais, ceux des adultes, ont une capacité à se dissoudre en un clin d'oeil. C'est ce miracle incertain que David Mitchell a parfaitement rendu, nous faisant les confidents muets d'un ado qu'on voudrait bousculer et qui nous bouscule et nous émeut. Sans mièvrerie, avec des mots que censurerait volontiers la prude BBC, et cette part de mystère qui enveloppe les années de transformation, Le fond des forêts touche juste, on pardonnera donc à son auteur d'arborer des chemises de bucheron, lui qui parle si bien de l'inquiétante puissance des arbres.

Le fond des forêts

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