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Entrez dans le tourbillon !

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Une actualité de Fleur Cattiaux
Publié le 30/08/2013

Qu'il est réjouissant de constater qu'il existe encore, de part et d'autre dans le monde, de véritables petits trésors littéraires qui n'aspirent qu'à être découverts...

"L'espace de quelques instants tu prêtes l'oreille au vent, au hululement du vent indifférent qui se fraie un chemin entre les chênes verts, les pins, les ravines, et tu te dis, éternel espoir naufragé, que les voix se rapprochent, que quelqu'un - un enfant peut-être, ou bien un homme - a entendu ton éternelle lamentation, ta voix perdue, tes sanglots, et qu'il arrive pour t'apporter la consolation, l'eau et la liberté enfuie." Ainsi commence Dans le tourbillon, la dernière petite merveille des éditions Attila. Dans un recoin complètement désolé des Pyrénées aragonaises, un homme est ligoté à un arbre et s'adresse à son plus fidèle compagnon - sa mule. Avec la chaleur et la soif, la cohérence s'est rapidement évaporée de son discours, ne laissant place qu'à un délire obsessionnel. Comment ce pauvre hère en est-il arrivé là ? Qui pouvait bien nourrir une haine si importante à son égard, et pour quelles raisons ?

Première traduction de José Antonio Labordeta, un écrivain et homme politique aragonais décédé l'année dernière, ce superbe roman met en scène une poignée de villageois assoiffés de pouvoir tandis que les rumeurs de la Guerre civile servent de révélateur pour des tensions déjà bien palpables. C'est-à-dire que cet univers essentiellement masculin repose sur un équilibre des plus précaires. Si chacun joue un rôle clairement défini dans ce microcosme, combien de temps les villageois supporteront-ils encore que l'usurier - un Juif, qui plus est - s'enrichisse à leurs dépens ? Combien de temps faudra-t-il avant que ça ne dégénère en chasse à l'homme ?...

Force nous est de reconnaître que la puissance d'évocation de la scène inaugurale est à l'image de l'ensemble de ce roman polyphonique, envoûtant et mystérieux, dont l'époustouflante construction narrative épouse à merveille la métaphore du tourbillon. Ce mouvement circulaire dont l'amplitude et la magnitude augmentent de concert jusqu'à essoufflement, c'est d'abord celui qu'effectue le récit : la narration tourne autour de cette scène effroyable en brassant toujours plus d'informations à chaque voyage jusqu'à ce que la lumière soit faite sur ce qui s'est passé. Mais c'est aussi et surtout celui de cette communauté d'hommes, pris dans un engrenage de turbulence et de violence qui finit immanquablement par les dépasser. Choisi à la perfection, ce titre est enfin celui d'un véritable chef d’œuvre digne des plus grands écrivains espagnols (comment ne pas penser à Julio Llamazares ou à Ramon Sender ?), porté en français par une traduction exemplaire signée par Jean-Jacques et Marie-Neige Fleury.

F.A.

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