Pour son dernier roman, James Salter, décédé cette année, a entrepris de traverser toute l'existence d'un homme, Philip Bowman, né à la fin des années vingt aux États-Unis. Veteran à vingt ans, Bowman entreprend des études à Harvard et termine sa quête professionnelle comme éditeur à New York. Un mariage aveugle et quelques années plus tard, Philip est un homme, qui continue de chercher, avec une profonde sensibilité, l'émotion d'une rencontre extraordinaire, le bouleversement d'une histoire d'amour. Mais Et rien d'autre ne serait pas un grand roman si Salter ne mêlait pas le destin de Philip à toux ceux qu'il croise : collègues, mère, beau-père, camarades... Et chacun reçoit "l'effet Salter" : pour chaque parcours, pas de dramatisation, pas d'explosion enthousiaste. Là où un écrivain pourrait produire un roman entier, Salter esquisse quelques mots. Et rien d'autre. Econome, pudique ? Un styliste, surtout.
Et rien d'autre se lit avec l'aisance et la rapidité de certaines mécaniques à la fois légères et complexes. On y retrouve l'extraordinaire talent de Salter à vous dépeindre, en quelques touches, une personnalité, un caractère, mais surtout : une femme. Déjà remarqué dans ses livres précédents, l'oeil de Salter est unique quand il s'agit de décrypter une femme : on réalise alors combien nos étoffes, répliques, mèches, odeurs, lectures peuvent être regardées, et subjuguer, envahir le coeur d'un homme, cristalliser un espoir, un mirage. Roman initiatique, Et rien d'autre est à l'image de son personnage : une élégance féline qui oscille entre cruauté et beauté pure.