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Faux semblants

74_faux-semblants
Une actualité de Olivier
Publié le 15/03/2016

Masque Réflexion saisie au cours d'une conversation : "Tiens, Jacques Pierre Amette fait un polar" (lire Le Lac d'or, histoire de détective hard boiled)... On pourrait dire qu'il revient à ses premières amours, ayant usé, comme d'autres, de la vieille habitude du pseudonyme : souvenez-vous de Je tue à la campagne, d'un mystérieux Paul Clément. Derrière ces deux prénoms se cache justement Jacques-Pierre Amette, qui nous avait aussi livré Exit, sous le même pseudonyme, tous deux publiés à la "défunte" Série Noire - celle des petits formats.

Cette volonté de camouflage est traditionnelle chez les écrivains grands producteurs, en particulier chez les graphomanes en tous genres. Imaginer que Donald Westlake possède plus de trente "fausses identités" recensées fait frémir, alors que trois sont arrivées jusqu'à nous. Il s'agit de Tucker Coe et de Richard Stark, mais cette clef est éventée dans l'excellent Jimmy the kid (traduction nouvelle de V'la aut' chose) où le maladroit Dortmünder et ses acolytes mettent en place un plan sans faille : il s'agit d'enlever un jeune héritier en s'inspirant d'un livre de... Richard Stark ! Qu'est-ce qu'on s'amuse...

Ce jeu de piste s'explique aussi par les nécessités économiques, les auteurs de la première moitié du vingtième siècle étant parfois payés comme des feuilletonistes du siècle antérieur. Frédéric Dard était un spécialiste du genre, comme l'attestent les multiples rééditions chez Fayard, sans compter sa pléthorique production sous le nom de San-Antonio ! Alors schizophrènes, ces auteurs, ou simplement intéressés ? Pas si simple : si les noms de Lauren Kelly, de Rosamund Smith et de Barbara Vine ne vous évoquent rien, ou pas grand chose, c'est assez normal. Les deux premiers dissimulent Joyce Carol Oates alors qu'elle signe de surprenants thrillers psychologiques, Barbara Vine, quant à elle, est tout simplement Ruth Rendell lorsqu'elle change de veine, mais l'éditeur français fait paraître tous ses titres sous le nom de... Ruth Rendell (ici, je vous l'accorde, c'est le monde à l'envers...). Ces changements de noms-là répondent à des critères artistiques (du moins, on l'imagine), tandis que d'autres ne veulent pas risquer l'opprobre et se commettre avec un genre mineur (ici, on vous l'accorde aussi, les barrières sont moins de mise, de nos jours)...

Ces fameuses barrières furent parfois politiques, on se souvient de Yasmina Khadra, se cachant sous un nom de plume à consonance féminine pour ne pas risquer sa vie en Algérie, ou d'Howard Fast, sur les listes noires MacCarthystes, racontant cette expérience dans Mémoires d'un rouge, et publiant à cette époque sous le nom d'E.V. Cunningham - le formidable Sylvia est écrit à cette période troublée par la chasse aux sorcières, évoquée aussi dans son remarquable Ange déchu.

Parmi quelques doubles mémorables, n'oublions pas de citer l'étrange John Amilanar, devenu John Amila, traduit par Jean Meckert, aussi connu sous le nom de Jean Amila. L'auteur des inoubliables Coups est aussi celui qui a commis Le Boucher des Hurlus. Pour le plaisir, mentionnons Dan Kavanagh, auteur de La Nuit est sale (Série Noire, R.I.P.) ou de Duffy (Actes Sud / Polar Sud), plus connu en France comme Julian Barnes.

Ah, le quizz sur le gâteau : Fausse Balle, de Paul Benjamin, ça vous évoque quelqu'un ?

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