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Frères de sang

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 29/03/2016

ellory - papillon de nuit Cela faisait quelques années qu'un roman de R.J Ellory ne nous avait pas autant captivé, soit depuis les deux chouchous de vos libraires du rayon polar, Seul le silence et Vendetta, les deux premiers livres qu'avaient choisis de traduire Sonatine (alors que ceux-ci étaient respectivement le cinquième et troisième de leur auteur). Ce jeune éditeur français faisait alors, dès 2008, une entrée fracassante dans le paysage littéraire en imposant cet écrivain doué tant dans l'élégance de son écriture (et le travail de traduction) que dans la construction captivante de l'intrigue, le cheminement sur plusieurs décennies de personnages avec en toile de fond l'histoire américaine, si bien que beaucoup croient que Roger Jon Ellory en est issu. Pour un écrivain britannique, écrire sur les Etats-Unis qui le fascinent est un pari risqué qui lui a valu de nombreux refus de la part des centaines éditeurs anglo-saxons auxquels il a envoyé ses vingt-deux premiers manuscrits. C'est le lendemain du traumatisme du 11 septembre 2001 que l'inspiration sera "concluante" : Candlemoth sera accepté par l'éditeur Orion et c'est ce premier roman "officiel" douze ans après sa parution au Royaume-Uni que Sonatine nous donne à lire sous le titre Papillon de nuit. A cette occasion, l'éditeur nous le présente dans son inédite et élégante collection en format semi-poche, "Sonatine+" (au prix de 14 euros) dans lequel coexiste une nouvelle traduction de l'unique roman de Stona Fitch, Aveuglé, thriller choc en forme de huis-clos sur les folles dérives de notre mondialisation.

A l'âge de six ans, Daniel Ford, le narrateur de Papillon de nuit se lie d'une amitié indéfectible avec le jeune Nathan Verney. Mais Nathan est noir et nous sommes en Caroline du Nord dans les années 60, là où le fléau du Ku Klux Klan s'abat toujours impunément. Le contexte social et politique n'ont pourtant que peu de réalité pour ces deux garçons alors que se profilent bientôt la guerre du Vietnam et l'assassinat de JFK puis de Martin Luther King, sonnant le glas d'une jeunesse presque insouciante. Vingt ans plus tard, Daniel redoute, depuis une dizaine d'années dans le couloir de la mort d'une prison, l'heure de son exécution pour le meurtre de... Nathan Verney. A mesure que la condamnation approche de son terme, le prêtre John Rousseau compatit à sa peine et recueille ses aveux en forme d'hymne à l'enfance perdue de deux gamins comme tant d'autres de leur génération, promis au sacrifice de toutes leurs illusions à l'annonce de leur enrôlement dans le conflit vietnamien, dans la folie d'une époque.

A la fois roman initiatique à l'égal de Seul le silence où on suit le chaotique passage de l'enfance à l'âge adulte de Joseph Vaughan et  son inlassable traque d'un tueur en série, roman confessionnel d'un repenti résigné à son sort tel Ernesto Perez, le héros de Vendetta, Papillon de nuit révèle aussi une formidable odyssée historique et intime qui se double d'une captivante enquête sur la culpabilité, les mensonges, les trahisons et les non-dits d'un individu et d'une société. Les derniers chapitres sur les véritables raisons de la faute de Daniel et le compte à rebours de son exécution maintiennent en haleine tant la frayeur et l'angoisse deviennent palpables à mesure que resurgit dans ce sinistre bloc D de la prison un souvenir heureux ou un visage issu de cet âge d'or perdu. A moins qu'à l'image de ce "papillon de nuit" qui se brûle les ailes s'il s'approche trop près de la lumière, les femmes aimées seraient  toujours celles qui subliment puis précipitent la chute des hommes, jusqu'à la l'ultime vérité, démesurée et vitale.

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