Chargement...
Chargement...


Frôler l'abîme

10571_froler-l-ab-me
Une actualité de David V.
Publié le 08/02/2014
Attila est mort, vive le Nouvel Attila ! Les Huns sont d'une nature solide, comme nous le prouve le nouvel épisode éditorial qui a vu disparaître la maison d'édition du même nom pour renaître sous deux formes différentes, Le Tripode d'un côté (dont le nom évoque irrémédiablement aux Aquitains le C.H.U., gageons que ce n'est pas un signe) dirigé par Frédéric Martin et Le Nouvel Attila mené par son ancien compère Benoît Virot à l'origine de la fameuse revue du même nom et de quelques (re)découvertes retentissantes dont Edgar Hilsenrath, Ramon Sender ou Ludwig Hohl, Jacques Abeille, Giovanni Papini ou Seumas O'Kelly. Deux nouvelles aventures avec deux fortes têtes qui ne manquent ni d'idées ni de culture. Les Champs Catalauniques étant derrière eux, et en attendant de découvrir ce que nous réserve Le Tripode, jetons un oeil sur les projets attilesques dont le propos prévoit désormais beaucoup plus un travail de découvertes que de fouilles, la période "rééditeur" étant passée (ou presque car on nous annonce une réédition du Suisse génial et méconnu Peter Bichsel). Le premier livre de l'enseigne retrouvée sera signé d'un quasi inconnu et ce risque-là honore la nouvelle équipe qui marque ainsi ses ambitions, d'autant qu'Aujourd'hui l'Abîme, ce texte (à paraître le 6 mars prochain) signé Jérôme Baccelli (un nom qui rappellera quelque chose aux amateurs de littérature italienne) frappe fort par sa puissance et son intelligence si ce n'est son érudition (mais ce mot fait souvent peur). Tout quitter pour prendre la mer, c'est ce qu'a décidé le protagoniste du livre qui bazarde ainsi son quotidien, son couple,sa famille, ses certitudes pour une quête folle, celle de l'éther inconnu, ce vide silencieux qui effraie les hommes depuis la nuit des temps. C'est au cours d'une de ces traversées nocturnes auxquelles pour sa part Paul Valéry a donné le nom de "Nuit de Gênes" que le jeune homme a entrevu l'abîme qu'il allait devoir affronter : son patron, un magnat richissime, John Edwar Forese, un "orphelin de la Shoah, né orphelin de l'harmonie", un chasseur de fantômes à coup de milliards obtenus par ses activités de financier de génie, mène lui aussi une quête éperdue de cette vérité qui échappe et il y met les moyens, prêt à racheter pour son seul usage des manuscrits de l'Antiquité. Tous deux sont atteints du syndrome d'Anaxagore, ce philosophe de l'Antiquité dont on a, depuis des siècles, avec constance, éliminé les écrits empreints de la plus grave des subversions, celle qui n'appelle pas à la révolte mais à l'interrogation la plus absolue sur la place de l'Homme dans l'univers. Le fuyard (il se prénomme Pascal, on ne saurait trouver mieux...) va raconter son voyage et les réminiscences de ses entretiens passés, son attirance pour les creux et les vides que la mer offre sans retenue. Roman d'aventures intérieures sous un ciel sans réponses, Aujourd'hui l'abime ose poser la question de l'âme, ce mot qui paraît tellement dépassé pour nos écrivains contemporains oublieux, dans leur manie d'exposer leurs petits egos et leurs misérables tas de petits secrets, qu'ils en ont une.  Ce n'est pas le moindre mérite de ce livre dense qu'il faut saluer comme il se doit. Un écrivain qui se respecte se doit de frôler l'abime ou le longer, c'est ce qu'a accompli avec la manière et sans jamais cesser d'être contemporain Jérôme Baccelli.On se réjouit d'accueillir son prochain livre (et on va aller faire un tour dans ses livres précédents qui doivent mériter un plongeon voire une immersion)

Bibliographie

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail