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GF, 50 ans à peine

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Une actualité de David V.
Publié le 26/03/2016
Swift Pour fêter avec discrétion et élégance son demi-siècle d'existence, la collection GF (Garnier Flammarion pour mémoire) s'est fendue d'une jolie salve de publications, histoire de rappeler que l'on peut éditer ou rééditer des classiques sans tourner le dos au contemporain. A maintes occasions l'éditeur avait fait appel à des écrivains pour pimenter d'une préface un livre méritant mieux (ou autre chose) qu'une vision universitaire de spécialiste. Pour cet anniversaire c'est une série avec sa propre maquette (et sa propre numérotation) qui se distingue en cet automne de célébration, avec le choix de textes plutôt amusants ou décalés qui rappellent qu'on peut aussi sourire avec un auteur du XVIII° siècle ou de l'Antiquité. Premier titre, deux princes de l'humour, Jonathan Swift présenté par Eric Chevillard qui se réjouit de cette anthologie de satires réunies sous le titre Résolutions pour l'époque où je deviendrai vieux, et autres opuscules humoristiques où l'Irlandais use d'un langage inattendu pour dire leur fait aux puissants et aux imbéciles. Et même s'il fait assaut d'une misogynie aiguë, on lui pardonne car la sienne qui tient des beaux-arts fait barrage à celle des brutes et des benêts. Balzac    Deuxième volume de la série Les Parisiens comme ils sont de Balzac présenté par un homme de masque et de plume, Jérôme Garcin qui a le toupet de lui adresser un courriel où il se félicite de son retour dans le monde des lettres comme de celui d'un ami disparu du sérail et on gage qu'en matière de sérail littéraire Garcin en connaît un bout. "Paris est avant tout la ville des primeurs" assène le grand et carnassier Honoré qui imagine pourtant la fin de cette Capitale où l'on meurt empoisonné mais d'où un jour on éradiquera tous les bourgeois qui l'encombrent comme on le fit au cours de la Révolution avec les têtes perruquées des nobles. Amateur de ces physiologies qui faisaient fureur en son siècle, Balzac s'en donne à coeur joie et règle allègrement ses comptes ; et peu importe si ce sont désormais de parfaits oubliés de l'histoire, le trait du géant a gardé sa puissance. Plus inattendu, le troisième volume est signé Louis-Nicolas Bescherelle dit Bescherelle l'Aîné (1802-1883) dont le nom résonne depuis des générations comme une source de souvenirs inquiets ou d'aide précieuse et qui nous est rendu Bescherellesous son autre profil qui aurait mérité de n'être pas englouti par la gloire scolaire du premier, celui de théoricien de l'art de la conversation dont Pierre Assouline, en brillant préfacier, nous rappelle qu'au mitan du XIX° siècle n'était plus qu'un lointain souvenir au grand désagrément de notre grammairien qui a choisi de rendre à la parole son lustre. Sous forme d'abécédaire très complet il aborde tous les sujets, délivrant bons et mauvais points sans négliger la vertu du plaisir dans un art qui demande du travail. Il faut de l'adresse d'esprit, du naturel, du goût pour le paradoxe, de la patience, une bonne gestuelle résume Pierre Assouline ; il faut chasser la colère, le pédantisme, l'affectation, le rire qui s'autocélèbre, l'anecdote intempestive, la volubilité, etc... Tout est donc contenu dans ce bréviaire au nom peu racoleur : L'art de briller en société et de se conduire dans toutes circonstances de la vie. Mais il se termine presque par une ode au silence... C'est Frédéric Schiffter le surfeur biarrot philosophe qui se dit hanté par la pensée d'un Chamfort dont GF nous propose Chamfortmaximes du plus fameux des disciples de La Rochefoucauld, pas connu pour être franchement amusant mais qui pourtant, la quatrième de couverture nous rappelle sa maxime la plus connue (la seule pour beaucoup malheureusement) : "La plus perdue de toutes les journées est celle où l'on n'a pas ri". On ne rit pas vraiment avec Sébastien-Roch Nicolas qui fait plutôt dans la bile noire et n'est pas d'humeur à badiner mais nous envoie quelques paradoxes bien sentis que l'on serait ravis de mémoriser pour les envoyer à la face des cuistres, une engeance qui ne sera jamais en voie de disparition, qu'on se rassure. Un seul exemple pour rester dans le ton : "Un homme d'esprit est perdu, s'il ne joint pas à l'esprit l'énergie de caractère. Quand on a la lanterne de Diogène, il faut avoir son bâton." On a parlé ici et avec effusion du drôlissime Jerome K.Jerome et des ses Pensées paresseuses d'un paresseux présentées par le toujours très drôle et pertinent Claro. On y reviendra seulement pour souligner que des huit livres de la série c'est bien le plus drôle, c'est en tout cas le plus anglais (il faut avouer que c'est le seul, ce qui le place en position de force dans ce domaine) JKJOn a parlé ici et avec effusion du drôlissime Jerome K.Jerome et des ses Pensées paresseuses d'un paresseux présentées par le toujours très drôle et pertinent Claro. On y reviendra seulement pour souligner que des huit livres de la série c'est bien le plus drôle, c'est en tout cas le plus anglais (il faut avouer que c'est le seul, ce qui le place en position de force dans ce domaine). Vincent Delecroix, le philosophe parfois romancier (ou romancier souvent philosophe) s'intéresse quant à lui à Plutarque car il faut bien une figure ancienne dans cet aréopage de penseurs. Et c'est le thème de l'amitié qui constitue le centre de ce recueil très dense ou notre Grec se penche sur de fortes questions comme la distinction entre un ami et un flatteur, l'importance du nombre de convives à un banquet, sur la demi-ivresse bien plus dangereuse que l'ivresse complète, sur l'autosatisfaction sans risque, la démangeaison de parler, les plaisanteries qu'il convient ou non de faire à table, etc..., on le voit une sorte de guide de bonnes manières à l'usage des amis, si possible autour d'une table (on mangeait beaucoup dans l'antiquité). L'inconvénient d'avoir trop d'amis est à offrir aux siens, d'ailleurs, il coûte à peine 7 €, un prix d'ami. On terminera ce tour d'horizon avec De l'universalité de la langue française de Rivarol, "cet amoureux fou de la langue française" que le néo-académicien français Dany Laferrière observe en habile défenseur de la francophonie qu'il croit porteuse de l'avenir de ce français qui n'est plus la langue universelle décrite par l'auteur avant la Révolution. Dernier volume de la série, le seigneur Voltaire dont le moindre lycéen a appris à connaître et plus ou moins aimer l'ironie et dont Edouard Launet, l'hilarant et fin chroniqueur et journaliste de Libération, se fait le préfacier attentif. De l'horrible danger de la lecture rassemble le meilleur de la veine pamphlétaire du roué Arouet qu'il est parfois bon de ne pas limiter à son Zadig devenu désormais, ô triste époque, le nom d'une marque de vêtement pratiquant peu la litote voltairienne. Réjouissons-nous de cette belle salve qui offrira à ceux qui souhaiteront des réveillons aussi cultivés que drôles d'excellentes idées, pour ne pas parler d'heures de débats passionnés. Plutarque

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