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Grand écran

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Une actualité de Véronique D.
Publié le 20/05/2014

guillaume_gueraud_baignadesurveilleeOuvrir un roman de Guillaume Guéraud, c’est dérouler un écran blanc sur lequel vont se projeter des images, un cinéma à domicile, au rythme des pages tournées. Aucun de ses romans n’échappe à cette influence du 7ème art qui l’a nourri dès son enfance peut-être davantage encore que la littérature, et les cinéphiles ne manqueront pas de jouer à débusquer les citations comme le ferait un amateur de jazz  reconnaissant une phrase musicale déjà entendue. Après plus de dix romans estampillés « littérature ado », des écrits destinés aux plus jeunes et un très beau Dernier western déjà publié dans La brune aux éditions du Rouergue, c’est avec la forme du roman noir que Guillaume Guéraud pose le décor sur la côte atlantique, un roman noir, très noir, comme un café sans sucre qui vous laisserait un drôle de goût et ferait accélérer votre cœur…Moteur !

Baignade surveillée commence par un premier plan sur un visage plein écran : une tortue tatouée sur la carotide, une incisive ébréchée, une cicatrice au sourcil et cette habitude de rire pour rien ou plutôt pour des choses qu’il est seul à comprendre, d’un rire sonore, comme emprunté au fracas de l’océan. En une page tout est dit de celui qui va être le moteur du roman : frère cadet d’Arnaud, le narrateur, Max apparaît aussi soudainement qu’il s’en va, entre deux séjours en prison. Un personnage de plein soleil dont on perçoit immédiatement la part d’ombre comme la fragilité soigneusement dissimulée. Tout est dit de la peur qu’il inspire à sa belle-sœur Estelle et de la fascination qu’il exerce sur Auguste, son neveu. Et de l’immense tendresse qui unit ces deux frères, à la vie, à la mort, à la fois si éloignés et si proches…

Même date, même emplacement au camping de la plage. Depuis des années, c’est là qu’Estelle, Arnaud et Auguste passent leurs vacances. Un lieu aux bouffées d’enfance pour Arnaud quand toute la famille partait dans le petit cabanon du Cap Ferret pour échapper à la banlieue bordelaise. Là où il a vu Estelle pour la première fois, riant dans les dunes. Là où son frère Max a fait ses premiers pas dans le sable. De travers. Déjà. Cet été là, seul Auguste va retrouver le goût des vacances passées. Pour le couple qui vacille, l’ambiance est tendue, poisseuse et quand Max va débarquer sans prévenir tout va être en place pour le drame à venir. Une histoire de vies cabossées, de tentatives désespérées de tenter de sauver quelque chose du naufrage, une histoire de tentations et une histoire d'hommes liés par l'enfance...

Le pouvoir du romancier permet à Guillaume Guéraud d’exercer tous les métiers du cinéma a lui seul : Baignade surveillée est une succession de plans qui s’enchaînent grâce à un montage très serré qui impose le rythme, multipliant les points de vue. Extérieur jour. La plage, le camping. Souvenirs en flash back des blagues potaches de tonton Max. Irrésistible d'inconscience et de vie. Changement de décor. Extérieur jour. Un camion blindé. Une grue. Et des images et des sons obsédants jusqu'à l'insupportable. Par l'alternance des chapitres, entre présent et passé, le drame se dessine, implacable. Reste pour le lecteur un étrange sentiment d'impuissance, celui de n'avoir rien pu faire pour ce grand gosse au charme magnétique dont le visage parfois agité de tics s'éclairait d'un grand rire, éclatant, "comme quand les vagues s'écrasaient".

Une ambiance noire et tendre  en hommage au magnifique Sonatine de Takeshi Kitano mais qui n'est pas sans rappeler les romans des regrettés Pascal Garnier et Jean-Claude Izzo.

https://www.youtube.com/watch?v=svgkwUZsKGA

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