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haïku, où te caches tu ?

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Une actualité de Céline
Publié le 16/03/2016
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Chauve-souris

Cachée tu vis

Sous ton parapluie cassé. (Buson)

Petit haiku, où te caches- tu ?

Si court, si simple, si gratuit, pouvons-nous, pauvres occidentaux, en saisir le sens ?

Après m'être penchée sur la question, il en résulte que j'ai malheureusement beaucoup de choses à dire sur une si petite chose.

Le criquet a jeté/ Ses moustaches sur l'épaule et s'est mis/ à chanter (Issa)

Alors, qu'est ce qu'un haiku au juste ?

La genèse du haiku remonte au XIe siecle, période de l'Edo, avec le haikai, littéralement poème libre.

Le haikai regroupait divers genres de poèmes et notamment le tanka, bref poème de 31 syllabes (5-7-5/7-7). La liberté du haikai résidait dans l'expression familière et triviale qu'excluait la poésie officielle. Cette légèreté ayant beaucoup de succès, le tanka se développa et devint même un passe-temps de société où les gens jouaient à créer des poèmes en chaîne, sur le mode oral et l'improvisation. Mais, le tanka fut trouvé un peu trop long et se transforma petit à petit en haiku (5-7-5 syllabes). C'est Bashô, considéré comme l'un des plus grands poètes japonais, qui fera du haikai un genre nouveau avec le haiku.

Première averse / Le singe aussi aimerait / Un petit manteau. (Bashô)

Bashô voit dans le haïku une vocation plus qu'un simple métier. Il s'installe dans l'ermitage des bananiers dont il fait son nom de poète, Bashô. Il passera le plus clair de son temps à voyager et à écrire, les deux activités étant indissociables selon lui. D'ailleurs, ses oeuvres seront essentiellement des carnets de voyage. Son chef-d'oeuvre s'intitule "la Sente étroite du bout du monde". Que c'est beau... Bashô aura de nombreux disciples de son vivant, puis fera l'objet d'un véritable culte à sa mort. Au Japon, tout le monde connaît quelques uns de ses vers, comme nous pouvons réciter "les sanglots des violons de l'automne...."

Après Bashô, les autres poètes de haiku seront Buson et Issa, poètes axés plus vers le comique. Shiki bien longtemps après, sera le grand réformateur du haïku en développant 5 notions : l'appel direct à l'émotion, la recherche de nouveaux thèmes, la concision du style, l'emploi libre du lexique occidental, chinois et ancien et le refus des "écoles" de pensée du haïku.

Seul au monde/ Tristesse ! Seul avec/ Ma bouilotte (Shiki)

Très bien tout ça, mais au fond, qu'est ce qu'un haïku ? 3 vers seulement de 5, 7 et 5 syllabes. Selon la règle, le haïku ne doit pas être plus long qu'une respiration. C'est un instant-poème, un hommage au moment présent. Selon Bashô, un poème achevé doit révéler dans le même temps l'immuable, l'éternité qui nous déborde (marqué par le kigo, mot-saison présent dans le haiku) et le fugitif qui nous traverse (petitesse du poème). Toute l'ambiguïté est là : le haiku parle des choses simples, triviales, des choses de tous les jours, le long des chemins sans gloire de la vie quotidienne. Pas de héros, ni de supers pouvoirs. C'est "simplement ce qui arrive en tel lieu à tel moment" (Bashô). Le haiku a donc à la fois les pieds sur terre, il se moque de tout, mais n'est jamais sec. Il n'est le fondement et l'aboutissement de rien. Il tire sa dynamique du vide. L'important , c'est le flou, l'ambiguïté pour que le poème reste ouvert et que chacun puisse y trouver son propre sens. Un poète de l'ère Tang disait : " on appelle phrase morte, une phrase dont le langage est encore du langage. Une phrase vivante est celle dont le langage n'est plus langage".

Je suis partie/ Dans mon rêve un fleuve/La voie lactée (Soseki)

Le haiku, c'est l'art de l'ellipse, du bref. C'est la phrase vivante qui dénude la langue jusqu'à la moëlle.

L'escargot/ levant la tête/c'est moi tout craché (Shiki)

Allez, encore un :

Tout le monde dort/Rien entre/ La lune et moi (Seifujo)

Et un dernier pour la route :  "J'éternue/ Et perds de vue / L'alouette (Yayu)

 

Pour rédiger cet article, je me suis aidée de deux recueils : Fourmis sans ombre Le livre du haïku de Maurice Coyaud chez Phébus et  l'Anthologie du poème court japonais dans la collection Poésie chez Gallimard.

 

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