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Inoubliable Harry Crews

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 25/03/2016

Un géant de la littérature américaine, Harry Crews, vient de nous quitter à l'âge de 76 ans. Méconnu du grand public,boudé par les médias et la presse, sa disparition le 28 mars dernier n'a suscité que peu d'intérêt excepté parmi certains aficionados de "noir" : c'est donc par un fidèle client que la triste nouvelle nous est parvenue...

Pourtant, Harry Crews fait partie de cette cohorte d'écrivains tels ses amis James Crumley, Charles Bukowski qui exercent une fascination à la hauteur de leur réputation sulfureuse et  à l'image de ses personnages de freaks, monstrueux et attachants tel Marvin Molar dans La malédiction du gitan. Enfant terrible du Sud des Etats-Unis, il s'est raconté dans un récit autobiographique paru en 1978 intitulé Des mules et des hommes , essentiel pour comprendre combien son œuvre, riche d'une dizaine de traductions (alors qu'il en reste une autre dizaine non encore traduite !), a pu s'élaborer à partir d'une histoire familiale sordide (enfance difficile dans une ferme miteuse de Géorgie) et fera de lui, entre vendettas, abus d'alcool, violence en tous genres, un auteur culte.  C'est dire que sa lecture ne peut laisser indemne car une fois un de ses livre entamé, il est impossible de l'oublier, en témoigne cet incroyable incipit d'un de ses romans les plus emblématiques réédité il y a deux ans chez Folio, La foire aux serpents qui relate une descente aux enfers dans le bled de Mystic (Géorgie) de Joe Lon Mackey, sombrant dans la folie et la violence, miroir des antihéros à la fois touchants, pathétiques et exécrables dont il était si fier :

"Elle sentait le serpent entre ses seins, le sentait là, aimait le savoir là, enroulé sur lui-même, la tête et le cou dressés en un S turgescent, prêt à l'attaque. Elle adorait la façon dont le serpent était cousu à son pull en V aux lettres du lycée, tout comme les motifs en écailles qui brillaient au soleil. Il faisait presque seize à l'ombre, chaud pour la saison, pour Mystic et pour un début de novembre en Géorgie, et elle savourait le musc léger de sa propre sueur. Elle aimait transpirer, c'était une sensation agréable. La sueur lubrifiait toutes ses articulations et les os de son corps comme de l'huile, le délié de ses muscles fermes, bandés à présent, prêts à se détendre - à frapper - lorsque la fanfare entamerait l'hymne de l'école : "En avant les Crotales Fatals du Vieux Bahut de Mystic."

Autre écrit mythique complètement baroque conseillé pour compléter un rapide tour d'horizon de ce "maître du grotesque" tel que le surnomme Maxime Lachaud qui en offra en 2007 une magnifique évocation assortie d'un entretien final exclusif : Car, sorti à la Noire il y a tout juste 40 ans,  révèle ce qu’il peut advenir d’un bouseux en quête de célébrité. Que faire quand toute sa vie tourne autour des voitures pour laisser une trace en ce bas monde ? Pourquoi ne pas en manger une ? Un aperçu déjanté et corrosif de l'Amérique profonde qui vous laissera un goût amer dans la bouche !

Notons que Gallimard continue les rééditions de l'auteur puisque Le faucon va mourir est prévu dans quelques mois en Folio mais vous pouvez encore retrouver ce titre en Série noire dans notre rayon, avec en bonus final un extrait d'un dialogue  (entre George Gattling et sa petite amie Betty) devenu désormais de circonstance  :

- Si tu veux être quelqu'un, si tu veux apprendre quelque chose, faire quelque chose, il faut être hors norme. Tout ce qui est normal, c'est du pipeau. La normalité, c'est de la merde.

- Essaie d'avoir un peu de respect pour les morts"

 

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