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Jacqueline de Romilly (1913-2010)

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 19/03/2016

romilly-1.JPGDisparue à 97 ans le 18 décembre dernier, une de nos premières vitrines de l'année ainsi que le rayon Lettres classiques rendent hommage, avec la majeure partie de son abondante bibliographie, à cette immense helléniste qui fit de la culture grecque l'amour et le combat de sa vie.

Les nombreux témoignages en faveur de Jacqueline de Romilly - son fidèle éditeur Bernard de Fallois s'est engagé sur la publication prochaine de son autobiographie -  témoignent de son incroyable parcours de première femme élue en 1973 professeur au Collège de France, qui devient en 1988  la deuxième femme (après Marguerite Yourcenar) élue à l'Académie française et obtient en 1995 la nationalité grecque.  Malgré ces distinctions et honneurs, elle n'avait jamais oublié dans ses discours et ses ouvrages ce premier rôle d'enseignante qui lui tenait tant à coeur, même bien des années après avoir pris sa retraite officielle. Celle qui se disait à  jamais "émerveillée" par les richesses des civilisations anciennes, elle déplorait leur manque actuel de considération, leur déni et alertait sans relâche sur la fondamentale sauvegarde des humanités classiques (le grec et latin) menacés de disparition par les pouvoirs et les programmes officiels de l'Education nationale. Or, ce sont ces langues qui nous fondent encore, sont à l'origine de notre propre langue, porteuses de valeurs humaines sans lesquelles nulle société ne peut tenir. Reconnaissante avec beaucoup d'autres sur cette dette envers notre culture classique, il convient de mesurer leur apport toujours actuel dans la formation intellectuelle : car nos mots parlent et partent du grec et/ou du latin, des mythes, de leurs héros ...

Récusant les objections d'élitisme - elle pensait que le grec ancien devait être accessible à tous - ou de passéisme, Jacqueline de Romilly n'était pas dupe du "miracle grec" d'où "tout est sorti brusquement" (philosophie, histoire, tragédie, comédie, sophistes) dont le Ve siècle avant J.-C fut l'acmée :  « La Grèce ancienne n'est pas, pour nous, un modèle à retrouver ; ce qu'elle nous apporte est le principe premier, l'idéal à atteindre - en somme, l'élan qui peut aujourd'hui encore nous aider et nous unir » (Problèmes de la démocratie grecque).

Ce siècle de Périclès nous fut précieux et proche grâce à l'historien Thucydide, "le grand homme de sa vie" et demeure l'inlassable traductrice de son oeuvre, aux Belles Lettres ou chez Robert Laffont en un tome. Au-delà de son inestimable valeur de témoignage, Jacqueline de Romilly insista sur la qualité littéraire du travail de Thucydide, comme elle le fit pour Hérodote ainsi que pour d'autres ou auteurs (Euripide, Homère, Eschyle, Sophocle ...).

A côté de ses nombreux essais (notons le très vivant Le Jardin des mots dans lequel elle proclame son amour de la langue française avec beaucoup de clarté et de rigueur), elle rédigea un seul roman (Ouverture à coeur), quatre volumes de nouvelles (dont Sur les chemins de Sainte-Victoire, Les Oeufs de Pâques) et quelques livres de souvenirs, surtout ces dernières années (Les roses de la solitude, Les révélations de la mémoire, Le sourire innombrable). Dans Petites leçons sur le grec ancien en 2008, elle révélait encore avec ce mélange d'évidence et de sens hors pair de la pédagogie les beautés de cette langue qu'on dit à tort "morte", alors qu'elle survit dans l'esprit humain à travers tant d'usages langagiers contemporains, nous apportant ainsi la précision et les nuances nécessaires qui enrichissent toujours notre XXIe siècle. romilly-4.JPG

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