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Je suis peut être comme possédé par les saucisses

La petite femelle - Philippe Jaenada - collection Points
La petite femelle - Philippe Jaenada - éditions Points
Une actualité de Anaïs
Publié le 18/10/2016
On ne sait jamais ce qui va nous plaire – ou pas - quand on commence un livre. Parfois un personnage vous émeut tant qu’il prend une place aussi grande qu’un ami dans votre vie, parfois une histoire vous emmène pile au moment où vous ne pouvez pas bouger ou alors c’est l’élégance d’un style qui vous percute tout à coup, vous inspire et vous grandit.
Mais là, moi, ce qui me plaît (en plus de l’histoire de cette Petite Femelle, de ce que ce livre dit de la misogynie d’après guerre), c’est Philippe Jaenada.

Oui, voilà, en lisant le livre, on a envie d’attraper le bottin, de chercher à J, de lui passer un coup de fil et de lui proposer de venir manger samedi prochain, ça tombe bien vous avez un ami qui cuisine super bien les saucisses-lentilles.

Oui, parce que si La petite femelle est d’abord un roman-enquête sur Pauline Dubuisson, qui assassina au début des années 1950 son amant, qui fut tondue après la guerre pour avoir été avec des allemands, contre qui la presse française s’acharna et qui se suicida au Maroc en 1963, c’est aussi un livre de digressions absolument jubilatoires.

Une enquête donc sur un fait divers tragique, mais dont Jaenada s’empare avec force recherche, force réflexion sur la fascination du pire, avec humour, gouaille et beaucoup d’esprit. Une lecture absolument jubilatoire et passionnante dont je vous retranscris ci-dessous un extrait qui, comme dirait l’autre, n’a rien à voir avec le shmilblik, mais c’est justement ça, qu’on aime chez Jaenada.
 
« (Il faut que j’ouvre ici une parenthèse qui n’a pas tout à fait sa place dans l’histoire, mais je ne peux pas faire autrement car il vient de m’arriver quelque chose de bouleversant, effrayant-même, aux frontières du surnaturel – sans exagérer. Il s’agit de saucisses. Il y a cinq minutes, j’ai reçu un e-mail de mon ami Richard Gaitet, dit Chante-Fort, écrivain de talent et animateur sur Radio Nova. Il m’explique qu’il organise une soirée de lecture, qui sera diffusée en direct sur Nova, en partenariat avec un food-truck de hot-dogs. Jusque-là, rien de très effrayant, mais voici le principe : toutes les personnes qui viendront lire un extrait de roman contenant le mot saucisse se verront offrir un bon hot-dog. Je lui ai répondu (du tac au tac) que tiens, c’est drôle, je l’ai écrit hier matin, le mot saucisse, dans le cadre d’une judicieuse comparaison avec les pasteurs. Ça m’a amusé, mais à proprement parler bouleversé, tout de même – j’en ai vu d’autres, je suis buriné. C’est après que ça fait peur. De nature curieuse, je me suis dit : « Voyons s’il n’y a pas le mot saucisse dans un autre de mes livres ». J’ai donc tapé saucisse dans la zone de recherche du dossier qui contient tous mes livres sur mon ordinateur. Mes yeux se sont écarquillés comme des soucoupes volantes : j’ai écrit huit romans jusqu’à présent, neuf en comptant celui-ci, je les ai vus s’afficher les uns après les autres. J’ai mis un moment à encaisser : de 1997 à nos jours, alors que mes histoires ne se déroulent jamais dans de l’univers de la charcuterie, et que personne de ma famille, ni même plus généralement de mon entourage, n’a jamais confectionné ni vendu la moindre saucisse, ni n’a été pasteur, je n’ai pas publié un seul roman qui ne contienne pas le mot saucisse (et je jure sur la tête de mon fils (ce que je n’ai pas l’habitude de faire, mais à situation extrême, serment extrême) que ce n’est pas volontaire – il faudrait que je sois malade). Enfin, ce n’est pas tout à fait exact : dans Vie et mort de la jeune fille blonde, sortie en 2004, il n’est pas question de saucisse. C’est d’ailleurs celui de mes romans qui s’est le moins bien vendu, nettement. Refusant d’admettre ce que la logique était en train de me ricaner à l’oreille (je ne vends des livres que s’ils parlent de saucisse ?), j’ai vérifié si je n’y avais pas évoqué une chipolata, une merguez, des choses comme ça… Bien m’en a pris. Dans Vie et mort de la jeune fille blonde, le roman apparemment sans saucisse, on trouve une Knacki Herta. La version commerciale de la saucisse. Lourde erreur. (…) Je… j’ai du mal à y croire. Dans TOUS mes livres ? Essayez de vous mettre deux secondes à ma place. Je suis peut-être comme possédé par les saucisses.) »

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