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Joë star

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Une actualité de David V.
Publié le 22/10/2014

JoëDans la peau et dans les pas de Joë Bousquet, c'est le voyage qu'a entrepris dans un livre bref et intense Guillaume de Fonclare que nous avions découvert avec Dans ma peau et Dans tes pas parus chez Stock. Une maladie terrible lui a volé son corps en pleine santé, le réduisant, l'amenuisant, lui interdisant de "se mouvoir dans le monde sans même y songer", le condamnant à tout prévoir, tout organiser, l'obligeant à renoncer à l'insouciance, faisant de lui un "édifice bancal", une "machine branlante", et le tout en silence car la plainte n'est d'aucun effet bénéfique. Guillaume de Fonclare s'est vu pourrir vivant dans un fauteuil, observant son corps le lâcher pendant que la maladie, comme en territoire conquis, gagnait chaque jour du terrain ; la colère l'a saisi, l'amertume s'est installée en lui, le vide le tentait, le même que celui que son meilleur ami avait choisi pour en finir. Il a fallu qu'une part invisible de lui-même se mette de la partie et le contraigne à admettre que le chemin pouvait continuer, que chaque jour pouvait ouvrir un moment de grâce ou de répit, qu'accepter n'était pas renoncer. Fonclare parle volontiers de route lui que ne marche plus guère, il évoque la destinée, il voit un sens et sa rencontre avec Joë Bousquet fait partie de ces moments qui font sens. "Attrapé dans ses lignes, ses mots, ses vers et ses phrases", il a gagné un frère de souffrance, un compagnon d'infortune qui a lui a montré les vraies richesses et l'infini bonheur de la transmutation de la souffrance en textes. On ne lit sans doute plus autant Bousquet qu'on le fit à une époque, lorsqu'il était une "star" que se disputaient quelques écrivains et dont s'enorgueillissaient quelques revues, lorsqu'on descendait le visiter ou quand, plus tard, Albin Michel édita en quatre volumes reliés ses oeuvres intégrales, quand on se réclamait de ce "voleur de feu" magnifique qui écrivit des romans, des poèmes, des contes, des essais, et dont la correspondance acharnée ne cesse d'émerveiller. On néglige un peu ce grand amoureux pourtant cloué sur son lit après qu'une balle allemande ait brisé ses ardeurs excessives d'officier batailleur couvert d'honneur en mai 1918. Plongé dans une humilité absolue, il brilla et rayonna, il convoqua l'univers à son chevet pour qu'infiniment petit il gagne l'infiniment grand. Comme le remarquait Maurice Nadeau, pour lui "Grains de poussière nous sommes, mais poussière consciente, dans un cosmos qui, lui, n’est ni temps ni espace, ou qui est tous les temps, tous les espaces." Cette ouverture à l'univers depuis une chambre aux volets définitivement fermés d'une rue bourgeoise de Carcassonne (que l'on peut d'ailleurs visiter), c'est ce qui a appelé Guillaume de Fonclare, lui que son propre corps a enfermé sans recours comme il le raconte dans son très beau Dans ma peau. Avec Joë, c'est le récit de cette connivence, de ce lien qui nous est proposé en une modeste adresse à l'écrivain qui est voussoyé, comme si face à un muet, le narrateur était là pour lui raconter qui il fut. Biographie intime qui se joue de l'écho, ce bref livre réinvente un Bousquet complexe, à la fois proche de sa légende et distinct de sa statue car Fonclare voit plus loin, entend plus profondément que quiconque la douleur créatrice du grand écrivain. On ne peut que le louer de nous avoir "rendu" Bousquet car à l'issue de cet échange triste et heureux, il est impossible de n'avoir pas envie d'y retourner.

un amour couleur de théPour compléter ce petit billet, on conseillera donc la lecture du Meneur de lune (chez Albin Michel), Le Cahier noir (à La Musardine), Lettres à une jeune fille (Grasset) ou Un amour couleur de thé (dans L'Imaginaire de Gallimard)

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