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L'effet Lucifer

Longues peinesOn ne naît pas homme, on le devient. Ce truisme embrasse dans sa vérité toutes les orientations que l'on peut suivre dans la vie, tous les choix que l'on peut faire.Dans cette optique, Longues peines, le dernier Jean Teulé sorti en Pocket, prouve bien qu'il n'existe pas de gènes du prisonnier, pas plus que de gènes du maton ou du directeur de prison. A mi-chemin entre la gravité du documentaire et l'humour des romans à sketchs, Jean Teulé trouve le juste ton pour dépeindre la grande tragédie qui se joue dans nos prisons françaises.

Un psychologue social, Philip Zimbardo, a démontré dans une expérience demeurée célèbre que des volontaires à qui on faisait jouer les rôles de gardien et de détenu pouvaient adopter en très peu de temps des attitudes qu'ils blâmaient quelques jours plus tôt. Ainsi, les "participants gardiens" n'hésitaient pas à frapper les détenus, tandis que les "participants détenus" se révoltaient contre l'autorité et se lançaient dans des commerces souterrains. On pourrait s'amuser de ces résultats si ça n'en était pas dramatique. C'est ce que Zimbardo a appelé "l'effet Lucifer" qui consiste, en schématisant, à adopter un rôle en se soumettant à une autorité plus ou moins consistante. Là où il y a problème, c'est qu'un détenu, une fois sa peine purgée, restera toujours un ex-détenu. Car la vie en prison, avec ces histoires, ces drames, ces quelques moments de bonheur aussi, déconstruit pour mieux figer les gens dans leur triste condition.Ce sont ces histoires-là que l'on retrouve dans Longues peines, des histoires de fous, de malheureux, d'amoureux éconduits, de détraqués, de ratés, bref des histoires vraies auxquelles personne n'est à l'abri. Quant au style de Jean Teulé, cru, sincère, cadencé, il touche droit au coeur et nous interroge d'une manière authentique sur le statut de l'homme et le rôle qu'il veut bien jouer.

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