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L'ellipse de Faye

2067_l-ellipse-de-faye
Une actualité de David V.
Publié le 21/09/2013

Eric Faye (site José Corti)Petite explosion sur le blog : le billet rédigé sur Eric Faye a déjà disparu deux fois de nos écrans, victime de deux bugs qui nous rendraient facilement paranoïaques. Le réécrire comme je le fais ici, c'est donc évidemment répéter que Nagasaki, le prochain roman de l'auteur est de ces livres qui devraient compter à la rentrée prochaine, c'est remarquer aussi de quel sens de l'ellipse sont capables les auteurs français quand il s'agit de créer des personnages et des narrateurs nippons : point trop d'effets, de la retenue, un sens de la mesure qui convient à l'idée que nous nous faisons de cette civilisation où le geste semble encore compter dans sa lenteur cérémoniel (voyez le cliché...). Car le bref roman d'Eric Faye qui s'y connaît en matière de brièveté puisqu'il est, et depuis longtemps, un partisan de la forme courte avec quelques bons recueils de nouvelles chez Corti notamment, est d'une convaincante économie et il séduit par cette manière d'aborder un sujet qui longe le vide de certaines existences. Shimura, le faux héros de cette aventure improbable, est le premier fantôme de cette histoire inspirée d'un fait divers glané dans un quotidien japonais : c'est un employé modèle, c'est-à-dire invisible ou presque, d'un centre météorologique où s'il sait regarder les nuages, il a cessé, en célibataire quinquagénaire sans relief, de trouver du sens au monde qui l'entoure, ne daignant même plus accorder à la vue qui s'offre de sa fenêtre un regard vers la baie. Sa vie se compte en millimètres, ceux que bientôt il va marquer sur les bouteilles de son réfrigérateur qui lui semblent diminuer sans raison, les rongeurs n'appréciant ni le jus de fruit ni les portes  qui y conduisent. Tourmenté par ce petit incident dans une vie d'où rien ne dépasse, il va céder à la tentation que le pays de la technicité omniprésente offre aux inquiets, aux jaloux, aux voyeurs : placer une caméra vidéo dans sa propre cuisine pour, de son bureau, sur une fenêtre de son écran d'ordinateur, observer et traquer l'ennemi insaisissable. La découverte qui l'attend si elle est saisissante, elle nous offre le deuxième fantôme du récit et elle est presque inexplicable, car elle ouvre une faille que ni la raison, ni la justice ne permettront de combler. Pour une fois on ne cèdera pas au plaisir d'éventer ce qui n'est pas longtemps un mystère, mais la façon qu'a Faye de nous conduire dans son intrigue mérite que nous soyons discrets, d'autant que par un contre-champ narratif très bienvenu il donne à son petit joyau un couronnement habile qui donne de la qualité au silence qui devrait habiter chaque lecteur après la phrase finale. Nagasaki, un titre un rien emphatique pour le récit d'un événement presque anodin, mais il ne manquera pas de critiques pour évoquer cette frêle bombe qu'Eric Faye fait exploser, au bord du silence, fort de cette idée qu'ils sont très rares ceux qui survivent à deux explosions. Mise à feu le 18 août.

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