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L'évangile noire de Jo Nesbø

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 29/03/2016

Jo Nesbo - Le FilsAprès le bref et intense Du sang sur la glace paru en mars dernier, la Série Noire récidive pour ses 70 ans en publiant cet automne un second inédit de Jo Nesbø, Le Fils. Aurélien Masson, le directeur de la collection chez Gallimard nous avait vanté la belle envergure de ce thriller, aimant dire de cet auteur phare de son catalogue qu'il est "un Américain perdu en Norvège" ! Après dix volumes mettant en scène Harry Hole, son inspecteur légendaire, coriace mais fragile (ses traques d'assassins à Oslo sont aussi haletantes que sa lutte contre le démon de l'alcool), Jo Nesbø décide-t-il de s'accorder une pause ? Rien n'est moins sûr car ce pavé de 500 pages sous haute tension ne devrait pas décevoir les fans de la série qui l'a rendue mondialement célèbre, au point que Martin Scorcese va adapter un de nos préférés de vos libraires, Le bonhomme de neige (qui vient de paraître dans un joli coffret cadeau idéal pour Noël) avec Michael Fassbender dans le rôle de son flic.

Si les aventures de l'anti-héros Harry Hole se caractérisent par une écriture nerveuse alliant l'efficacité d'un page-turner avec la tradition du roman noir "hard-boiled" sans oublier la peinture des bas-fonds d'Oslo (bien loin des clichés sur la soi-disant pacifique Europe du nord !), Le Fils ne déroge pas à l'excellente tradition des polars scandinaves, tout en bousculant là encore les idées reçues sur le sujet en liant le destin de Sonny Lofthus et du flic en charge de l'arrêter. Fils d'un policier corrompu qui s'est suicidé, Sonny a mal tourné : devenu héroïnomane, il est détenu depuis 12 ans dans la prison de haute sécurité de Staten dont il va parvenir à s'évader pour mener une cavale sanglante censée dévoiler la vérité sur la mort de son père. En enquêtant sur les mobiles qui animent la vague de meurtres perpétrés à Oslo, Simon Kefas, inspecteur de la brigade criminelle, ne sait pas qu'il partage la même obsession que sa proie, puisqu'Ab Lofthus n'est autre que son ancien collègue et meilleur ami, et qu'il n'a jamais cru lui non plus à son ultime lettre dans laquelle il confessait d'être la taupe de la police compromise dans le vaste trafic de drogue et de prostituées... Les scènes de violence parfois crues alternent avec de belles scènes de respirations puisque Sonny qui va trouver refuge dans un foyer, va y rencontrer et tomber amoureux de Martha, sentiment partagé mais réprimé puisque la jeune femme est une des responsables du centre et s'apprête à se marier. Parallèlement, Simon doit trouver rapidement de l'argent afin de faire opérer sa femme Else qui va bientôt perdre la vue, et les tentations seront nombreuses dans le désert estival pour ce flic perdu dans cette société tout aussi pourrie.

Jo Nesbø revisite cette sombre histoire de justice et de rédemption en comparant Sonny à une sorte de Christ déchu qui endosse les crimes de ses frères humains, les absout de sa miséricorde tout en agissant comme un tueur en série qui mène une impitoyable croisade purificatrice (il est surnommé le "Bouddha à l'épée" ou "Gandhi") contre le mal, qu'il revêt les traits de l'infernal "Jumeau" ou, en miroir, de policiers qui protègent ces criminels :

Que voulait venger ce garçon ? Au nom de quoi ? Voulait-il sauver un monde qui ne voulait pas être sauvé ? Exterminer ceux dont nous ne voulons pas admettre que nous avons besoin. Car qui aurait la force de vivre dans un monde sans criminalité, sans la révolte stupide des imbéciles, sans tous ces êtres irrationnels qui veillent à ce qu'il y ait du mouvement, du changement. Sans espoir de voir un monde meilleur - ou pire. C'est cette agitation diabolique, le besoin du requin de bouger constamment pour avoir de l'oxygène. "C'est bien, ici. Maintenant. Restons là. Comme ça." Non, ce n'est pas comme ça que ça se passe.

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