Chargement...
Chargement...


La chambre de Nora

12201_la-chambre-de-nora
Une actualité de Emilie D.
Publié le 10/10/2014

messud"Jusqu'où va ma colère? Mieux vaut ne pas le savoir. Personne n'a envie de savoir ça."

C'est en ces termes que débute La Femme d'en haut, le quatrième roman de Claire Messud que les éditions Gallimard publient début septembre.

L'émotion est d'emblée palpable. La femme qui s'exprime ici se prénomme Nora, elle a quarante deux ans, elle est institutrice, et nous fait part d'un constat sans appel : Elle est une "femme d'en haut". Elle fait partie de ces femmes discrètes, irréprochables aussi, sérieuses, et finalement parfaitement invisibles pour les autres. Sa prise de conscience, elle l'a doit à un évènement récent qui a bouleversé sa vie. Mais plutôt que de se complaire dans son malaise, elle a choisi, avant d'essayer de se changer, de nous raconter par le menu ce qui lui est arrivé.

Tout commence avec l'arrivée dans sa classe d'un garçon différent. Reza a huit ans, son père est libanais, il a vécu en Italie, puis en France. D'emblée, Nora est frappée par la beauté de cet enfant, c'est un véritable coup de foudre. Ce n'est qu'un peu plus tard que notre institutrice fait la rencontre de ses parents, et l'émotion est tout aussi intense. Sirena, la mère, est une artiste qui crée des installations de grande envergure. Sahid son mari est un intellectuel qui a accepté un poste à la faculté toute proche pour un an. Leur appartenance à une élite n'est pas forcément ce qui fascine Nora, l'attraction qu'ils exercent sur elle est d'un ordre différent, presque alchimique. Nora va littéralement tomber amoureuse de cette famille. Elle est proche du fils, élève absolument adorable dont elle finit par devenir la baby-sitter attitrée. C'est ensuite leur amour pour l'art qui rapproche les deux femmes. Comme Sirena, Nora est une créatrice, mais face aux projets monumentaux de son amie, notre héroïne exerce dans la miniature et confectionne des dioramas. Les deux femmes décide très vite de partager un atelier, ce qui soudera d'autant plus leur amitié. Quant à Sahid,  il joue parfaitement son rôle d'intellectuel confident. Passionné par l'Histoire, particulièrement bavard aussi, c'est par ses yeux -et sa bouche- que Nora découvre une partie du monde qu'elle ne connaissait pas jusqu'alors. Les trois personnages participent ainsi à l'éveil sensoriel de Nora, chacun à leur manière. Et celle-ci se sent tellement redevable qu'elle ferait tout pour leur rendre la vie meilleure -et pour tenter de leur être indispensable. L'année que Nora passe à leur côté sera des plus intense. Elle pense vivre là l'histoire d'amitié amoureuse de sa vie, à moins qu'il n'y ait un petit malentendu...

Avec finesse et subtilité, Claire Messud nous entraîne dans les tréfonds de l'âme de son héroïne. Sur près de 300 pages, nous sommes Nora, nous nous calons au rythme de son discours -et le talent de l'auteur tient aussi particulièrement dans la voix  tantôt passionnée, tantôt extrêmement grave et lucide qu'elle parvient à nous faire entendre. Si l'on parcourt ce texte avec fébrilité (que c'est il réellement passé?), l'issue de l'histoire n'en est pas moins des plus complexes. Claire Messud signe là un très grand livre sur l'amitié et sur les femmes.

http://youtu.be/KTgIQAtuFQ4

Abonnement

Derniers articles du blog "Ces mots-là, c'est Mollat" envoyés chaque semaine par mail