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La ligne de fuite - Robert Stone

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Une actualité de Julien
Publié le 28/06/2018
Nouvelle édition dans la collection Points Signatures de La ligne de fuite de Robert Stone : l'occasion de (re)découvrir la nouvelle traduction de ce texte culte sur la guerre du Vietnam.
"Ce que l'Amérique a de meilleur à offrir ne supporte pas le voyage" a un jour observé Robert Stone. Et assurément, très mal au Vietnam. Que ce soit lors du flux aller, au cours duquel on perd ses derniers lambeaux d'innocence, ou du flux retour, où l'on gagne en échange un insondable relativisme moral. Dans cette trajectoire gangrenée par la paranoïa et le pessimisme - cette Ligne de fuite du nouveau titre français (précédemment paru, comme le film qui en a été habilement tiré par Karel Reisz en 1978, sous le titre ampoulé des Guerriers de l'enfer) -, les dés sont pipés quand bien même, en spéculateur avisé, on pense à rapatrier de Saïgon 3 kilos d'héroïne pour assurer ses vieux jours. John Converse, journaliste (très) détaché d'un torchon à sensations et qui a semble-t-il réglé le problème des "objections morales", confie sa précieuse marchandise à Hicks, un Marine adepte du zen et qui se rêve en samouraï. Mais c'est un autre poison qui s'insinue dans les valises : celui de la corruption généralisée et de la déliquescence morale, l'acte de décès de la contre-culture américaine comme passeport. Avec ce Discours sur l'état de l'Union sauce nuoc-mâm, Stone témoigne de la banqueroute de la Nation.
De retour au pays, Converse ne retrouvera trace ni de la dope, ni de Hicks, ni même de sa femme Marge qui devait réceptionner le colis. Les agents fédéraux, retors au possible, qui seuls l'attendent, ont comme tout le monde baissé pavillon et agissent pour leur propre compte. S'engage une virulente chasse à l'homme dans les décors surréels de l'Ouest américain où, question poudre, la cordite remplace la poussière d'ange. Toute la faune hallucinée d'anciens hippies, agitateurs politiques, pontes hollywoodiens et gourous pastoraux qui agite cette histoire s'ébat dans un profond climat d'essoufflement et de désespoir relevé au mieux, pour les plus vitalistes d'entre eux, d'une faible lueur de vice. L'amour récréatif et les drogues libres (ou inversement) ont fait long feu...

À travers le parcours de cet américain bien tranquille qui fera lui aussi son voyage au bout de l'enfer, Robert Stone nous offre en creux et sans esbroufe l'un des grands livres sur le "Nam" et prouve qu'il aura été avant tout, comme d'autres Grands d'Amérique, l'infaillible et cruel sismographe de son époque.

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