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La lourdeur ne fait pas mal...

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Une actualité de Emilie D.
Publié le 15/03/2016

Quel trouble fête ! Au beau milieu de l'été, alors que tout le monde ne demande qu'à échapper à ses préoccupations, à oublier la lourdeur de son quotidien, voici qu'une libraire nous assène un coup violent avec ses conseils de lecture !

Malgré la légèreté que semblent réclamer tous les vacanciers en ce début de mois d'août, je m'obstine à vouloir parler de mes coups de coeur gris... Des romans dont on ne sort pas indemnes, mais qui sont de ceux qui laissent une impression profonde, désagréable peut être pour certains, mais tellement forte. Ce n'est pas sans un certain plaisir que je note quelques lignes sur ces romans, lus récemment ou plus lointains, mais qui ont tous laissé en moi une trace d'une infinie nostalgie. Non, il n'y a rien de malsain à lire le désespoir, l'horreur, l'évanouissement, l'absurdité ou le sentiment de culpabilité.

styron-sophie.jpgLe summum réside sûrement dans Le Choix de Sophie de Styron, dans lequel l'incarnation de l'horreur qu'a représenté l'holocauste, n'est pas un sujet rebattu tel un sujet à la mode, idéal pour monopoliser l'attention sur l'atrocité. L'art n'a rien d'irrévérencieux ou de dérisoire quand il s'attaque à de telles réalités, bien au contraire. Sophie, l'héroïne, n'est pas une victime "aussi impuissante qu'une feuille dans le vent, une simple tâche à l'instar des multitudes innombrables des autres damnés". Ainsi, elle serait simplement apparue pathétique, une misérable épave rejetée par la tempête, sans le moindre secret d'être mis à jour, or, et le génie de Styron réside dans le fait qu'il insuffle à cette figure tragique une épaisseur particulière.

kafka-proces.jpgLe second roman dont je voulais parler est celui de Franz Kafka, Le Procès, qui, non sans lien, rejoint le premier. Après les miasmes de l'holocauste, c'est l'idée de culpabilité qui est au centre de ce livre. Tout comme ces milliers de personnes assassinées dans les camps, K. n'est coupable que de vivre. Son seul tort est d'avoir laissé s'introduire dans son quotidien deux hommes qui le pressentent et le questionnent. Mais il n'y a aucune réponse à apporter aux questions de ces hommes, ce sont celles de chacun de nous, celles qui, bien que tout le monde se les soit posées, demeurent en suspens, sans réponse. Dans son film, adapté du roman, Orson Welles semble pourtant y répondre et ce par le rire. Le film se termine sur le rire de K., un rire de ceux qui vous glace, un rire jaune qui révèle de façon cruelle le labyrinthe dans lequel chacun de nous est pris. Mais cette simple intrusion, cette petite faille dans la vie de K. est la porte ouverte à une poursuite sans fin, celle d'un homme qui, en définitive, tente peut-être d'échapper à la mécanique implacable de la vie, à son insoutenable absurdité.

duras-lol.jpgEnfin, c'est Le Ravissement de lol V. Stein de Marguerite Duras qui nous pousse à nous interroger sur l'équilibre fragile de nos vies. Cette jeune femme, qui voit un jour son fiancé en train de danser avec une autre qu'elle, disparaît littéralement. Plus qu'une disparition, c'est au sens littéral du terme un ravissement, dès lors Lol n'est plus, arrachée de chez les hommes, elle devient comme le V. de son nom, une ombre qui avance tendue vers des possibles dont elle ne fait pourtant rien, comme si les ailes du V de son nom restaient désespérément fermées à la vie.

Sur ces mots lourds, je vous souhaite une bonne lecture, qui loin d'être accablante ou triste, pousse irrémédiablement le lecteur à se questionner, à fouiller son propre coeur et parfois dans des recoins noirs qu'il préférerait oublier. Quant à moi, je me laisse emporter par la frivolité propre à l'été et n'ai plus qu'à enfiler un maillot et courir manger des glaces...

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