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Le bel adieu

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Une actualité de Véronique D.
Publié le 04/05/2015

9782070149117,0-2621252« J’enterre ma mère et en plus j’ai quarante ans. » Ce « en plus » en dit long sur Blanca, narratrice du roman de Milena Busquets. Comme si le temps avait glissé sans accroc laissant se poursuivre une jeunesse qui ne devrait jamais voir son terme arriver. Comme une double peine, le chagrin d’être orpheline s’ajoutant au sentiment d’être soi- même victime d’une légère usure, de celles qui font voir de plus près « l’ombre lointaine de la vieillesse. »

Sous le soleil vif de Cadaquès, l’enterrement est expédié en vingt minutes, le temps pour la jeune femme de décider de rester dans la maison de vacances familiale le temps d’un été, entourée d’amis, de ses deux ex-maris et de ses enfants.

Dans ce décor sensuel où la chaleur de l’été alanguit chaque geste, où les rires des enfants se mêlent aux discussions paresseuses des adultes, les souvenirs affleurent, venus tout droit de l’enfance. Au milieu de cette compagnie joyeuse et nécessaire, Blanca compose pour sa mère une lettre faite des fragments de leur amour partagé, entre adoration et règlements de compte, fascination et reproches tardifs.

Une fois encore Eros et Thanatos se marient dans ce roman extrêmement sensuel où le sexe apparaît comme l’un des rares moyens de mettre la mort entre parenthèses.

Ça aussi, ça passera est un roman où le désir palpite à chaque page, accompagné d’un humour souvent désopilant et c’est en cela que Milena Busquets touche son lecteur au cœur, parce qu’au détour d’une phrase, alors qu’un sentiment de légèreté flotte encore dans l’air, un simple détail vient remettre en pleine lumière « les violentes rafales de [l]’absence »,

Il y a chez la narratrice de Milena Busquets une élégance rare, loin de tout apitoiement, quelque chose de racé (teinté d'une gracieuse désinvolture) laissé en héritage par cette mère à la forte personnalité que la maladie  « a sauvagement jetée à bas de son trône ». Cette élégance est celle de la pudeur, qui mêlée à une volonté farouche de conserver un regard tout en légèreté fait affleurer mélancolie et nostalgie  par touches d’autant plus poignantes qu’elles sont délicates. Le hurlement qui l’habite, réduit au silence par « l’aube, les enfants, la pudeur et les occupations quotidiennes » se présente immanquablement dans la solitude de la nuit mais ne viendra jamais s'imposer au lecteur. La douleur est là, contenue, veillée comme un feu qui couve sous la cendre. Et pour elle aussi,comme pour les moments de bonheur, Blanca appliquera sans doute la phrase qui s'applique à tous les moments de la vie et à toutes les situations : ça aussi, ça passera...

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