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Le bonheur selon Etgar Keret

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Une actualité de David V.
Publié le 03/05/2014
Keret bonheurEtgar Keret est un écrivain israëlien, qui écrit donc en hébreu, ce qui explique pourquoi son nouveau livre, édité par L'Olivier, est traduit de l'anglais. Ce genre de paradoxe n'étonne pas venant d'un auteur qui a habitué ses lecteurs à toutes les acrobaties de son esprit affolant. Sept années de bonheur est un livre absolument autobiographique. Tout ce qu'il y raconte est vrai, nous semble-t-il, et partant totalement suspect d'exagération car la vérité en littérature est un concept bien vague dont il est courant de se moquer. On n'y retrouve pas le nouvelliste qui enchante un nombre grandissant de lecteurs depuis La colo de Kneller mais le chroniqueur de lui-même qui se dévoile à petites touches intimistes au gré de ses aventures familiales, matrimoniales, filiales ou paternelles racontées sans détachement. Point de ce fantastique fantaisiste qui est sa marque de fabrique avec ses créatures absurdes au langage vert projeté dans le quotidien de la société israëlienne. Mais toujours cette volubilité et cet art de regarder gens et situations d'un oeil curieux, perçant, grinçant et parfois compatissant. Quand on aime beaucoup un  auteur, et c'est la cas pour Keret dont l'oeuvre, qui se fortifie de recueil en recueil et ne déçoit pas, a de quoi susciter l'enthousiasme, on lit, avec curiosité d'abord, tout ce qui semble nous éclairer sur sa personne, ses inquiétudes voire ses tourments, sa géographie : l'auteur se livre dans 7 années de bonheur et nous offre une certaine vérité de lui-même tout en brossant avec nuances la situation d'un pays dont il a souvent dépeint les bizarreries et les failles : la conscience qu'on y a de la fragilité de l'existence, qu'une bombe peut sans prévenir faucher un destin, que le monde entier vous regarde, une moitié avec haine, l'autre avec affection, peut rendre philosophe ou poète, exégète ou linguiste. Etgar-Keret S'il parle peu de ses métiers d'écrivain, de scénariste et de réalisateur, il est volubile sur les opinions de sa femme, les réflexions de son fils que nous allons suivre depuis sa naissance jusqu'à l'âge de raison (en remarquant à quel point il nous paraît précoce et très tôt héritier de l'insolence paternelle), sur ses voyages en avion, morceaux de bravoure irrésistibles, lieux où il se sent curieusement à sa place dans une vie qui le voit beaucoup voyager à travers le monde pour jouer à l'écrivain dans des colloques, des rencontres, des performances voire habiter à Varsovie une maison qui porte son nom (la Maison Keret). Ce qui marque surtout et rend ce livre attachant en plus de l'habituelle drôlerie qui est chez lui une deuxième nature (ce qui ne rend pas le quotidien plus agréable pour ceux qui le partagent...), c'est le regard qu'un homme mûr porte sur la filiation : longtemps fils sans fils, il se prépare à devenir un père sans père, découvrant la véritable nature de la paternité, cet état dont on hérite d'un coup dans un couloir d'hôpital. Car le père se meurt et transmet avec délicatesse à son fils un héritage qui n'est pas seulement fait de ces histoires qui envahissent la vie de Keret depuis qu'un jour, lors de son service militaire, il a rédigé d'un jet son premier texte, stupéfait d'y découvrir la trace tangible d'une vocation (son frère aîné, autre personnage clef auquel il aurait tant voulu ressembler, lui assénant avec profit que le résultat était nul). Sept ans, c'est cet écart magique et banal qui séparent ces deux moments capitaux de la vie, entre celui où il devient père et celui où il devient orphelin. L'histoire ne dit pas si à l'issue de cette période de vaches grasses, les vaches maigres ont débarqué en troupeau. Un autre livre nous le dira un jour, peut-être, car rien n'est sûr avec Etgar Keret, ce n'est pas son moindre charme. maison keret

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