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Le carnet de Blonde

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Une actualité de David V.
Publié le 24/11/2014

Arsène LupinNon, il ne s'agit pas d'un petit billet sur le cahier secret de Marilyn, d'autres s'en chargeront. Didier Blonde vient de sortir dans l'indispensable collection de J.B. Pontalis L'un & l'autre (chez Gallimard) un de ces ouvrages dont il a le secret, un court livre qui vous promène deux heures dans sa géographie personnelle en nous invitant à imaginer la nôtre : Carnet d'adresses est un carrousel de numéros suivis de noms de rues et à regarder la table des matières, cette suite peut paraître énigmatique, comme une suite de mots de passe vers un ailleurs dont on ne saisit pas les contours même si l'on devine que Paris en est le centre. Didier Blonde a une obsession merveilleuse qui le travaille depuis l'enfance, celle de repérer dans les romans les adresses des personnages et d'aller y voir pour confronter le réel à l'imaginaire et mesurer la distance qui sépare la vie de son reflet romanesque. On ne s'étonnera pas que ce soit avec l'Arsène Lupin de Maurice Leblanc que ce jeu au long cours ait commencé tant ce maître dans l'art du faux-semblant savait se jouer des façades. Comme Fantomas, dont Blonde est un grand connaisseur, ce personnage a des airs de fantôme et il est évident à lire Carnet d'adresses que c'est vers ces ectoplasmes familiers qu'il se tourne pour donner du relief au présent. Avec un numéro et un nom de rue ces créatures de papier, insaisissables et auxquelles chacun peut donner l'allure qui lui plaît, prennent forme et semblent quitter les rives de l'imaginaire pour gagner le territoire du tangible. Chasseur de traces, le détective accumule des preuves que le rêve engendré par la lecture possède une certaine réalité, que l'inventé peut donner lieu à un inventaire, que le faux dissimule plus ou moins bien du vrai, de l'enfoui, du caché. Les personnage de Modiano sont à ce titre très présents, eux qui ont souvent des adresses qui se répondent d'un livre à l'autre et Didier Blonde réussit à tirer des fils, les démêler sans pour autant annoncer une solution car un romancier ne se dénonce pas. Rêveur éveillé, il nous invite à notre tour à devenir des rêveurs de ville, à laisser sonner des téléphones dans des pièces où personne ne viendra décrocher, à attendre au coin d'une rue l'irruption d'un homme dont nous connaissons le nom mais pas la silhouette. Pas dupe pour autant, il s'enrichit de cette illusion qui donne à ses déambulations une vraie richesse et une intensité que les piétons s'accordent rarement. Qu'un roman puisse ainsi se prolonger par la magie simple d'une adresse c'est un privilège que l'on envie à cet auteur qui a le talent et la simplicité de nous le transmettre. Un nom de plus, et qui comptera, dans le répertoire des auteurs singuliers.

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