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Le faux ami de la rentrée

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Une actualité de David V.
Publié le 24/11/2014

attention poids lourdCertaines lectures constituent des épreuves qu'on s'inflige sans trop savoir pourquoi alors que rien n'interdit d'abandonner un livre quand il vous exténue. Pourquoi ne parviens-je pas à renoncer à celle du Faux ami de Henrik B. Nilsson sorti en septembre chez Grasset et adressé bien avant sa sortie aux libraires avec une lettre d'encouragement très élogieuse le comparant allez savoir pourquoi (ou plutôt non : vous comprendrez pourquoi) à L'ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon dont il mériterait, nous dit-on,  de suivre le glorieux parcours  ? Roman très ambitieux et donc très long (c'est souvent lié depuis La Montagne magique : si c'est long c'est que c'est grand) cette plongée dans la Vienne du début de siècle qui semble n'en plus finir de faire fantasmer les écrivains qui y voient l'un des derniers âge d'or des Arts, utilise avec beaucoup d'intelligence tous les clichés en usage pour nous mettre tout de suite dans le bain : bain de brouillard, bain de fumée des cafés littéraires, bain debout d'un personnage principal qui se noie dans sa petite existence de correcteur à la retraite dépassé par les événements qui lui tombent dessus, bain froid enfin du lecteur qui se demande si l'histoire va enfin démarrer ou si elle ne va pas s'interrompre sans prévenir.  Nous voici bien sévère et pourtant après deux mois de lecture, à raison de trois à quatre pages par jour la fin approche et je n'ai pas renoncé, confiant dans l'espoir de plus en plus ténu que tout s'éclaire au crépuscule de cette histoire embrouillée qui met aux prises un écrivain raté qui a passé sa vie à corriger les manuscrits des autres et notamment du plus doué d'entre eux et se voit mis en demeure par ses convictions et des faux amis manipulateurs de détruire un manuscrit supposément dangereux pour l'Eglise catholique. Le tout accompagné d'un ingénieux procédé romanesque qui nous fait remonter une intrigue parallèle à contre-courant du temps de l'action. Bref, voilà un livre qui déborde de bonnes idées, de trouvailles, de portraits réussis, de chapitres élégants, de décors bien bâtis, voilà un livre qui exploite l'idée en vogue que les complots sont partout (surtout sous les soutanes d'ailleurs, ce qu'un auteur suédois doit avoir beaucoup pu constater dans son pays infesté de papistes rapaces), voilà un livre pas terriblement traduit par Philippe Bouquet qui a dû bien se fatiguer (mais à sa décharge ce sont les épreuves non corrigées qui nous ont été confiées et on peut espérer qu'un bon coup de peinture a été passé sur la version définitive), voilà un bon gros livre sur lequel beaucoup s'endormiront sans oser l'avouer parce que ces livres intelligents mettent mal à l'aise en présupposant qu'il faut être à leur hauteur.  Mais voilà un pensum dont on se demande s'il n'a pas été conçu, à l'américaine, pour servir de scénario à un bon gros film et permettre à quelques critiques des morceaux de bravoure dont ils ont bien besoin pour regagner en crédibilité. Le Faux ami fait 567 pages, il pèse un petit kilo (600 grammes tout au plus me glisse ma collègue Martine) et vous occupera des heures si vous choisissez de l'adopter, mais attention, c'est écrit dessus : tous les livres ne sont pas vos amis. Et Henrik B. Nilsson n'est pas Thomas Mann.

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