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Le "grand" Bost

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

Pierre BostIl y a deux Bost, au moins que nous retiendrons du siècle précédent, le "petit", surnommé ainsi par la bande de Sartre et Beauvoir, et le grand, celui que nous surnommerons ainsi par défaut et qui nous intéresse ici : il eut droit d'ailleurs à une exécution lapidaire de la part des existentialistes qui lui infligèrent le qualificatif de littérateur radical-socialiste... Pour les cinéphiles Bost c'est un nom, que l'on associe souvent à celui d'Aurenche (Jean), duo de scénaristes célèbre que la Nouvelle Vague se complut à assassiner comme des représentants d'un cinéma de papa dont on ne voulait plus, attitude d'une jeune garde injuste qui fit grand tort à leur mémoire. Il fallut Bertrand Tavernier, moins coincé dans des stratégies et cinéphile acharné, pour leur redonner, en fin de carrière, un dernier lustre. C'est d'ailleurs lui qui a été, évidemment, sollicité pour évoquer ce Pierre Bost que Le Dilettante tente aujourd'hui de tirer de son oubli littéraire : le petit roman qu'il réédite est encadré par des propos du réalisateur, à la fois juste et jamais larmoyant, et une très belle préface de François Ouellet, spécialiste canadien du roman français d'entre-deux-guerres (il a notamment préfacé Bove dont il est un grand connaisseur) qui rétablit l'étrange parcours d'un écrivain frappé du syndrôme de Bartleby et qui renonça à la littérature - après un admirable petit roman Monsieur Ladmiral va bientôt mourir (1945) réédité dans L'Imaginaire en 2005 - malgré un talent dont l'évidence frappe aujourd'hui. Pour s'en rendre compte on lira en effet Porte-Malheur (1932), court roman réaliste qui, s'il n'est pas son plus grand texte (avis de lecteur), possède ces qualités qui le distinguent de cette cohorte d'écrivains engloutis. Histoire d'un crime qui est l'aboutissement du livre, parcours psychologique d'êtres frustes qui ne sont pas sans rappeler ceux de Jean Meckert, Porte-Malheur raconte la vie d'un petit quartier parisien, l'ascension d'un mécanicien qui n'a qu'un rêve, devenir son propre patron, et qui a choisi de pousser un jeune homme qui pourrait devenir, idéalement, son successeur voire son héritier. C'est sans compter sur cette poisse qui s'empare de certains et leur fait commettre l'irréparable, sur ce sens de la tragédie qui marque jusqu'aux plus humbles : belle illustration de la rédemption impossible dans un univers où on ne connaît pas le sens de ce mot et où l'idée de destin n'existe pas. La brièveté du roman réclame qu'on n'en dise pas plus d'autant que les trois dernières lignes sont vraiment impressionnantes de concision et constituent une véritable leçon de littérature.

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