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Le grand bulldog de Dino Buzzati

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Une actualité de David V.
Publié le 12/04/2014
Buzzati chroniquesDelphine Gachet mériterait que l'on parle plus du magnifique travail qu'elle fait au service d'un écrivain dont on parle moins alors qu'il nous reste très contemporain, plus de quarante ans après sa mort (en 1972) : Dino Buzzati est encore lu pour ses romans et ses nouvelles, moins pour ses textes de chroniqueur (et inconnu comme peintre et illustrateur). C'est elle, professeur à l'Université Bordeaux Montaigne, qui nous propose une nouvelle traduction de son auteur fétiche, un splendide recueil de textes publiés originellement dans le Corriere della sera où il entra en 1928 très jeune pour une longue carrière de journaliste que les Français connaissent fort mal et qu'il n'a jamais reniée, ne considérant jamais ce travail comme alimentaire. Le volume Chroniques terrestres que publient les éditions Robert Laffont nous prouve avec brio l'étendue de son talent et de sa gamme et n'est pas loin de nous laisser penser que son oeuvre de nouvelliste et de romancier (un peu moins) a gagné à cet exercice renouvelé du ciselage journalistique. Buzzati sait à qui il s'adresse et comment il va être lu : il n'écrit pas dans l'idée d'être entendu sur le moment, comme on déplie son journal au café, et non point après un temps d'infusion, et ce souci de toucher a paradoxalement permis aux textes de magnifiquement vieillir. On découvre que c'est un étonnant correspondant de guerre (il suivit embarqué un croiseur de la marine italienne), il excelle dans le fait divers (que les Italiens appellent joliment la "chronique noire") mais se montre aussi très pertinent dans le domaine de l'art où il fit ses dernières armes. Qu'on lise la première page, presque constituée d'une seule ligne, de la chronique titrée "Petits vieux de France" qui date de mai 67, pour se convaincre de la finesse très légèrement ironique de son style, son art de virevolter pour atteindre son sujet. Un long paragraphe et puis une seule phrase, très brève, en guise de suivant : "Vieux est devenu un vilain mot". Et de nous décrire ce que le monde pense de ses vieillards inutiles et comment en France ceux-ci résistent au jeunisme arrogant. On dirait du Vialatte mais avec un brin de philosophie et de sagesse en plus, un rien de dérision en moins (car tous deux sont totalement contemporains). L'homme l'intéresse, son proche, son double qu'il met en scène et observe, et qu'il confronte à sa propre personnalité, l'homme derrière son œuvre, son matricule, son titre, sa fonction, sa gloire passagère, l'homme qui doute au milieu d'un siècle qui accélère et qui grimpe haut. On adorait le Buzzati nouvelliste, on découvre avec bonheur le Buzzati chroniqueur qui nous apparaît enfin. C'est tout à l'honneur de Delphine Gachet que l'on remercie et félicite.

buzzati lisant

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