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Le retrait de l'alchimiste

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 21/09/2013

Dans son précédent roman paru en juin 2009, Assise devant la mer, l'auteur Pierre Silvain rendait hommage à son enfance passée entre le Maroc natal et le Limousin adoptif à travers un amour à la fois inquiet et idéalisé envers Angèle, figure maternelle éternellement interdite. L'écriture lui permettait alors un retour distancié et un regard sur sa vocation d'écrivain pour ce narrateur qui découvrait au réveil sa mère morte dans la cuisine familiale. Dans sa dernière partie, le récit atteignait son apogée en une poignante lettre adressée à l'absente, la littérature se révélant "un travail de réappropriation de toi qui est sans voix, sans souffle et sans regard"...

Le 30 octobre 2009, soit une vingtaine de jours après le fondateur des éditions Verdier Gérard Bobillier , disparaissait à son tour ce jeune auteur de 83 ans puisqu'il semblait bien que Pierre Silvain avait "choisi" l'instant de sa mort à l'image de sa vie d'écrivain. Et c'est bien le terme de discrétion qui convient toujours pour traduire ce retrait à l'ombre des livres (il a pourtant publié pas moins d'une vingtaine d'ouvrages depuis 1960 ! ) qu'est venu à peine troubler à la rentrée de septembre 2007 la parution remarquée d'un magnifique hymne à la lecture (qui souffre bien la comparaison avec le mythique Sur la lecture d'un de ses auteurs favoris pour lequel il avait rédigé en 2005 l'essai Le Côté de Balbec paru chez l'Escampette), Julien Letrouvé, colporteur.

En mars 2010, Verdier publie son roman rédigé entre le 1er octobre 2008 et le 12 juin 2009, Les couleurs d'un hiver, qu'il voulait dans son exergue un ultime salut à son dernier éditeur... Affectueuse marque d'ironie tragique s'il en est !

les-couleurs-dun-hiver.jpg Les couleurs d'un hiver renoue avec les meilleurs souvenirs qui accompagnait les pérégrinations du rimbaldien Julien dans les Ardennes postrévolutionnaires (le colporteur désignait l'ancien métier de libraire ambulant). Dans ce récit posthume, le lecteur suit également sur les routes de France en 1823 un jeune préparateur de couleurs Anselme qui s'échappe de l'atelier de peinture de son maître dès l'entrée en scène du lecteur. On ne saura pas grand chose de plus sur la cause "inavouable" de sa précipitation, sinon émettre des hypothèses et tenter de reconstituer le puzzle des souvenirs au fur et à mesure du voyage de ce picaro : envie de retrouver à Paris son ami d'enfance Simon ?  Désir de s'émanciper d'une tutelle somme toute médiocre et troublante en proposant ses services au génial Théodore Géricault dont il admire Le Radeau de la Méduse ?

Troquant l'imitation de la naïveté des Vierges (manière de la première "petite cuisine") pour la démesure et perversité du modèle, ce roman de formation ne laissera certes entrevoir qu'un "fragment de couleur" mais d'une beauté aussi absolue que l'amour que ce "fou des couleurs" porte à son art, aussi précieuse que la prose finement ouvragée et l'amour des livres pour l'illétré Julien Letrouvé en 2007, aussi idyllique que le fils voue à sa mélancolique et lumineuse mère en 2009, aussi incandescente que la mémoire d'auteurs et d'éditeurs qui, au gré de leur catalogue et bibliographie, savent attacher des générations de lecteurs.

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