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Le sortilège de l'araignée

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Une actualité de Véronique M.
Publié le 26/03/2016

Avec un tel titre, aussi poétique qu'inquiétant, Actes noirs (la collection de romans policiers d'Actes Sud) sait susciter la curiosité et nous emporter souvent loin, ici de Buenos Aires au fond de l'Amazonie, vers une conclusion stupéfiante.

Pourtant, rien de plus classique et réaliste que le début de ce drame. Censé rejoindre sa fille Moira, 4 ans, qui se rend à une fête d'anniversaire en compagnie de sa nounou Cecilia, Fabian rate la rame de métro dans laquelle elles s'engouffrent, et l'intuition du pire se confirme bientôt : les voilà disparues, la police ne tarde pas à mobiliser toutes ses moyens humains et techniques, jusqu'à soupçonner les pauvres parents déjà au bord du divorce, lui supportant de plus en plus mal la fragilité psychologique de Lila d'autant plus dévastée par la disparition de leur petite fille. Enlèvement(s) ? Assassinat(s) ? Trafic d'enfants ? Réseaux de prostitution ? Cecilia est-elle la kidnappeuse ou l'autre victime ? Autant de mobiles imaginables, mais les tensions au sein de l'équipe de flics vont porter préjudice à l'enquête qui piétine. Deux cadavres et de multiples fausses pistes plus tard, un homme se présente à la porte de Fabian pour tenter de lui offrir ce temps qui manque à la police : la rencontre de l'excentrique détective Cesar Doberti, flanqué d'un chat et d'une poule (non non, il ne s'agit pas d'une jolie secrétaire mais d'une authentique poule !) pourrait être sa dernière chance. Pour cela, la proposition du privé ne manque pas d'originalité, Doberti l'invitant à mener l'enquête en commun :

Crois-moi, un crime parfait est possible, mais il n'y a pas de crime qui ne laisse pas de traces. Il faut simplement pouvoir les lire."

Nous sommes pourtant bien dans un polar, les "happy end" rares et les rebondissements les plus inattendus n'ont pas fini de piéger le lecteur le plus aguerri qui est encore loin de se douter de la suite des événements. Car c'est à peu près à partir de la seconde moitié du roman, après un saut de presque dix terribles années de silence, que le récit va prendre toute son ampleur. Nous retrouvons un Fabian vaincu, fantôme entouré d'ombres, abruti de travail, quand un hasard totalement inouï va relancer le fol espoir, l'impossible doute. Et si Moira était toujours vivante ? Un indice en forme d'araignée en bronze serait-il la clé du mystère ?

Les traces étaient là. Il ne restait plus qu'à savoir les lire."

C'est au terme d'une passionnante traversée de plus de 500 pages jusqu'à ce "jardin de bronze", Eden aussi impénétrable que vénéneux que le lecteur découvrira en même temps que ce père dévasté une terrifiante vérité. Le lecteur ne pourra qu'être ensorcelé par ce final digne d'un conte fantastique où règnent de troublantes statues de femmes et de redoutables plantes en bronze, miroirs toxiques de la réalité et révélatrices d'une nature autrement plus cruelle. La référence au chef-d'oeuvre Au cœur des ténèbres de Conrad s'impose !  Le lecteur conquis par ce polar à la fois haletant et envoûtant voit la naissance d'un enquêteur malgré lui dont on suivra de près la trace.... puisqu'une suite est déjà annoncée.