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Le tsar et sa naine

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Une actualité de David V.
Publié le 09/05/2013

La naine et le tsarLa littérature scandinave nous avait déjà offert un inoubliable personnage de nain : Pär Lagerkvist, écrivain suédois très célèbre et moins lu désormais, à tort, auteur de Barabbas (réédité, enfin, en octobre chez Stock, nous y reviendrons) et de L'exil de la terre entre autres, en avait fait le héros d'un mince roman cruel et profond, une parabole comme il savait les peindre aux couleurs obscures d'un temps ancien (Le Nain, Stock). Décidément le nanisme (les gens de petite taille doit-on dire) inspire les écrivains du Nord (pas celui qui est la mode, l'autre...). Gaïa, maison landaise qui a pignon sur la rue scandinave en France et a fait quelques très belles découvertes dans ce domaine, publie en ce réfrigérant mois de juin le nouveau roman de Peter H. Fogtdal dont nous avions aimé les lourds pavés précédents, Le Rêveur de Palestine et Le front Chantilly où il écornait certains clichés sur le Danemark, ce beau pays aussi peu exemplaire que les autres mais sujet d'inattaquables clichés (d'où le terme de Chantilly que lui attribuait Hitler). La Naine du Tsar nous propulse au siècle de Pierre le Grand, d'abord à la cour du Roi de Danemark Frederik IV qui reçoit son cousin prestigieux et imposant, puis en Russie. L'héroïne du roman fait partie de cette caste d'esclaves que leur difformité protège et condamne à tous les tourments : plus que quiconque, ils observent, avec ce regard d'en-bas qui perce les vanités les plus protégées, la mesquinerie des grands. D'où leur présence dans les cours de l'Europe supposément éclairée. Sorine, l'héroïne du roman, a depuis longtemps renoncé à espérer un meilleur sort quand elle est remarqué par ce géant rustre et sans manières qu'était Pierre le Grand, la voici donc offerte en présent, comme un objet de collection, à ce tsar qui fait trembler ses voisins mais n'a pas perdu le contact avec les éléments et les choses, qui reste insensible à la flatterie et manifeste du respect à ce qui est sans apprêt. Fascinée mais ne renonçant jamais à cette ironie qui la sauve du malheur absolu, elle va vivre à côté de lui, le subir et aussi l'aimer. Fogtdal, moins soucieux de parabole que son aîné Lagerkvist, réussit avec cette Naine du Tsar un portrait expressionniste et troublant dont on se détache difficilement : il nous oblige à changer notre champ de vision pour juger une grande figure de l'Histoire.

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