Plus de 25 ans après sa mort, l'auteur de La vie mode d'emploi, W ou le Souvenir d'enfance ou encore La Disparition continue à faire notre bonheur. Après la récente réédition de ses Jeux intéressants et de ses Nouveaux jeux intéressants pour le plus grand plaisir des amateurs de littérature perequienne ainsi que tous les amoureux de la langue française, voici que le célèbre Georges Perec (1936-1982) fait à nouveau parler de lui. Les éditions Hachette littératures ont en effet publié un livre sur lequel il était jusque là impossible de mettre la main, à savoir à L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation. Ecrit en 1968, ce texte au titre prometteur a été généré par une contrainte bien spécifique et très oulipienne, comme toujours. Ce bel exemple de littérature combinatoire trouve ainsi son origine dans un organigramme conçu par son ami Jacques Perriaud. Perec a dès lors opté pour le développement linéaire selon un principe opposé à celui qu'utilise Raymond Queneau pour son Conte à votre façon. En un mot, son objectif avéré est l'exhaustivité, ou encore l'épuisement des possibilités ; et pour ce faire, il utilise un raisonnement binaire et déductif. Voilà ce que cela donne :
Perec aurait confié à Perriaud que son but était "d'arriver à un texte réellement linéaire donc totalement illisible". Comme s'il avait eu peur d'échouer dans cette entreprise, il a d'ailleurs supprimé tout signe de ponctuation. Mais le résultat est-il si illisible que cela ? On a fait l'expérience : L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation se lit parfaitement bien pourvu que l'on prenne la peine de se livrer à une lecture active. En fin de compte, ce petit texte plein de bon sens n'est certes pas un essai scientifique, mais il illustre une fois de plus comment un exercice d'écriture peut se transformer en une expérience de lecture des plus divertissantes, expérience que vous ne serez pas prêt d'oublier...